Analyse du Rapport
Machelon
Par Claude HOLLÉ
Cette analyse du
rapport Machelon n'engage pas l'association "Laïcité d'accord" en tant que
telle, mais seulement le rédacteur et secrétaire de l'association, Claude Hollé.
Le rapport Machelon
est un long document de près de 80 pages qui contient un grand nombre de
références et d'analyses juridiques. Sa lecture est donc quelque peu aride.
Nous avons choisi de
respecter l'ordre de présentation du rapport Machelon et de discuter point par
point les propositions du rapport.
Il en résulte que ce
travail est lui-même un peu (trop ?) long, mais il ne néglige aucun aspect du
rapport et peut servir de base pour des textes synthétiques.
Bon courage au
lecteur !
Le Président,
Bernard ANCLIN.
Le Secrétaire, Claude
HOLLE
RAPPORT MACHELON : UN RAPPORT
COUSU DE FIL CLERICAL
En octobre 2005, en
liaison directe avec la future élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy
alors ministre de l'Intérieur met sur pied une commission chargée de mener une
réflexion juridique sur les relations entre les cultes et les pouvoirs publics,
en particulier pour ce qui concerne le financement de la construction de
nouveaux lieux de culte. Présidée part le professeur de Droit public J.P.
Machelon, elle est connue sous l'appellation de "commission Machelon".
Avant d'examiner les
propositions de la commission, il convient de rappeler les grandes lignes des
relations Etat-Eglise catholique (religion d'Etat sous l'ancien régime) et les
évolutions du 18e au début du 20e siècle.
I) L'EGLISE ET
L'ETAT JUSQU'EN 1905.
Depuis le baptême de
Clovis, la royauté et la papauté sont alliées et rivales pour la primauté
spirituelle et temporelle.
Le conflit le plus
déterminant opposera Philippe le Bel aux papes Nicolas IV puis Boniface VIII
avec de part et d'autre menaces de destitution. C'est de cette époque que date
le concept de "gallicanisme", le roi de France établissant que l'Eglise
de France doit davantage son pouvoir spirituel au roi qu'au pape. Louis XIV
réaffirmera avec force cette prérogative.
Le gallicanisme
(intervention de l'Etat dans l'organisation de l'Eglise par un droit de regard
sur la nomination des évêques) va de pair avec le cléricalisme
(intervention de l'Eglise dans les décisions étatiques en particulier pour
l'organisation sociale, l'enseignement, les hôpitaux, l'aide aux démunis et les
mœurs).
La première
république marque la laïcisation de l'Etat avec la proclamation de la
liberté de conscience (art 10 de la déclaration des Droits de l'Homme) et
la nationalisation des biens du clergé. Elle se montre ensuite ultra
gallicane avec la "Constitution civile du clergé" puis laïque en
séparant l'Eglise de l'Etat ("la République ne salarie aucun culte").
Le Consulat et le
premier empire marquent le retour du gallicanisme : le Concordat de 1801
met l'Eglise de France sous tutelle politique de l'Etat avec, en compensation,
la rémunération des ministres du culte pour les quatre cultes reconnus.
De la Restauration
jusqu'aux débuts de la IIIe République la bourgeoisie conservatrice et les
royalistes sont au pouvoir, le cléricalisme s'impose (interdiction du
divorce, délit de blasphème passible de la peine de mort, présence permanente de
l'Eglise dans "l'espace public", catholicisme religion d'Etat)
C'est sous la
IIde République qu'est votée la loi Falloux (mars 1850) mettant
l'enseignement primaire et secondaire public sous la tutelle des cultes,
particulièrement de l'Eglise catholique. La chambre des députés est alors
ultra conservatrice, anti républicaine,
royaliste et cléricale.
A partir de 1876,
les républicains (Opportunistes, Radicaux, Socialistes) deviennent
majoritaires. Ils laïcisent l'Etat par étapes (Ecole, Hôpitaux, Justice)
rétablissent le divorce, développent les libertés fondamentales (association,
presse) et expulsent les congrégations non-autorisées. Cependant, jusqu'en 1905
le Concordat est maintenu en contradiction avec la législation de laïcisation.
L'affaire Dreyfus
entraîne la réactivation de la coupure politique des "deux France" entre un
pôle antirépublicain et clérical et un pôle républicain et anticlérical. Les
positions ultramontaines du pape Pie X feront le reste, conduisant à la loi de
1905 "de séparation des Eglises et de l'Etat."
Contrairement aux allégations mensongères des partisans de la révision de la
loi de 1905 et de la consolidation du statut scolaire local, la loi ne 1905
n'est en aucun cas une loi instituant une laïcité "de combat". La loi de 1905
est reconnue aujourd'hui unanimement par les historiens et les cultes comme
une loi d'apaisement, c'est un compromis entre les cultes et l'Etat : la
liberté des cultes contre la séparation.
II) LA REPUBLIQUE
LAIQUE.
Pour bien comprendre
l'importance des attaques contre la laïcité que constituent les propositions de
la commission Machelon, il faut rappeler le contenu de la loi de 1905 et les
évolutions qu'elle a subies.
A)
LES PRINCIPES FONDATEURS.
Ce sont les articles
1 et 2 qui constituent le cœur de la loi et fondent la séparation de l'Etat et
des cultes et, par là même, la République laïque.
1) garantir des
libertés publiques.
Art. 1 : "la
république assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des
cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre
public".
Il n'y a plus
d'Eglise d'Etat. Tous les courants spirituels (religieux ou non) sont sur un
pied d'égalité.
L'Etat ne
s'immisce plus dans l'organisation des cultes (pourvu que soit respecté
l'ordre public), c'est la fin du gallicanisme.
2)
Etablir la séparation des "Eglises et de l'Etat".
Art. 2 : " La
république ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte…"
a) La
séparation politique.
La
"non-reconnaissance" fonde la séparation politique entre l'Etat et les
cultes ce qui implique :
·
la fin du
gallicanisme : l'Etat, comme
il l'avait indiqué à l'article 1, n'intervient pas dans l'organisation des
cultes, il affirme sa neutralité.
·
La fin du
concordat et de son extension
aux cultes protestants et au culte juif.
·
La fin du
cléricalisme : En
contrepartie, les cultes renoncent à intervenir dans le domaine temporel,
celui de l'élaboration des lois qui organisent la vie de la citée, le bien
commun.
Ainsi se trouvent
délimités deux domaines bien distincts :
·
La sphère
publique où se définissent les règles
du "vivre ensemble", du bien commun des citoyens sans contrôle des opinions, des
options spirituelles, des appartenances communautaires.
·
La sphère
privée, où s'expriment les choix
individuels des individus, leur liberté de penser, leurs regroupements
communautaires.
L'appartenance ou la non-appartenance à un culte est du domaine strictement
privé.
b) La
séparation financière
Conséquence de la
séparation politique, le refus de salarier ou de subventionner les cultes fonde
la séparation financière de l'Etat et des cultes.
Les cultes
passent du statut de Droit public au statut de Droit privé avec les
implications financières qui en découlent. C'est désormais aux cultuelles de
financer les cultes.
B) LA NEUTRALITE
N'EST PAS L'IGNORANCE
Hypocritement, la
commission Machelon tente d'utiliser les relations nécessairement établies entre
les cultes et l'Etat pour tenter de vider la loi de 1905 d'une partie
essentielle de sa substance.
C'est la loi de 1905
elle-même qui institue des interventions de l'Etat :
-
Pour les croyants
dans l'incapacité de se rendre eux-mêmes sur un lieu de culte (élèves en
internat, armée, prisons, hôpitaux), l'Etat, garant du libre exercice des
cultes, assure cette liberté. Il crée et rémunère l'aumônerie (art.
2).
-
Pour
l'Etat,
il ne s'agit pas d'une dérogation au
non-subventionnement, mais de l'organisation d'une liberté fondamentale dont
il est garant.
-
Pour respecter sa
fonction régalienne de faire respecter l'ordre public, l'Etat veille à
ce que l'exercice des cultes se limite à leur objet spirituel sans tentatives
de faire renaître le cléricalisme (art. 25,26,34,35). Dans la même optique,
il limite les capacités financières des associations cultuelles
(art. 18,19,21,22).
-
L'Etat assume sa
fonction de garant des libertés publiques et de l'ordre républicain.
-
Il crée un bureau
des cultes. Ce faisant, il n'entache pas sa neutralité, il affirme que le
respect des principes laïques n'empêche nullement le dialogue républicain
entre l'Etat et les cultes.
La loi de 1905,
loi d'apaisement, texte de compromis, n'implique nullement l'ignorance entre
l'Etat et les cultes.
C)
LES MODALITES DU "DIVORCE".
1) De nouvelles
associations de gestion des cultes.
Les anciennes
associations de gestion administrative des cultes sont supprimées (fabriques,
mences, chapitres, consistoires) et remplacées par des associations
cultuelles régies par la loi de 1905, donc différentes des autres
associations régies par la loi de 1901.
La loi marque la spécificité de la gestion
des cultes (art. 2,3,4).
En signe de
compromis, la loi précise (art.4) que les cultuelles sont "soumises aux règles
générales du culte dont elles se proposent d'assurer l'exercice". Cette règle
est favorable au culte catholique les cultuelles restant ainsi soumises à
l'autorité de l'évêque et du pape. L'article 4 rend pratiquement illégale la
formation de cultuelles catholiques à fonctionnement démocratique et ne
dépendant pas directement de la tutelle hiérarchique.
Pour cette
raison, la majorité des évêques et cardinaux de France accepteront la loi de
1905.
Mais la
possibilité de cultuelles échappant à l'autorité de l'évêque était
théoriquement possible. Pour résoudre un conflit de ce genre, la loi a prévu
un arrêt du Conseil d'Etat (art. 8). Pour le pape ultramontain Pie X, cet
article 8 (et l'ensemble de la loi) est un casus belli.
2)
L'espace public doit rester neutre.
Les signes et
emblèmes religieux ne peuvent plus être apposés sur les monuments publics ou
tout emplacement public (art. 28). Les manifestations publiques du culte sont
soumises, comme pour les
autres associations, à autorisation municipale (art. 27).
3) Certaines
aides financières publiques ne sont pas des subventions.
Les biens
cultuels sont exonérés de l'impôt foncier et de la taxe d'habitation (portes et
fenêtres à l'époque en 1905).
Pour le
législateur, les exonérations d'impôts et taxes ne sont pas des subventions.
De même, après 1908 la prise en charge par les collectivités publiques des
réparations et de l'entretien des lieux de culte propriété publique ne sera
pas définie comme une subvention..
En effet, la loi
modificative du 13 avril 1908 promulguée pour régler le conflit avec le pape,
laisse gratuitement aux associations de gestion, la disposition des
édifices cultuels (art.13), elle met à la charge des collectivités publiques
l'entretien et les réparations des édifices cultuels dont elles sont
propriétaires (art.13)
Pour l'Etat,
ces dépenses publiques n'ont pas valeur de subventions.
Seules les
aides financières directes à la construction de nouveaux édifices cultuels
sont considérées comme des subventions et sont interdites en vertu des
articles 2 et 19.
Telle est
la volonté du législateur entre 1905 et 1908. Il faut cependant reconnaître que
cette interprétation peut être
sujette à caution.
D) LA LOI DE
1905 N'EST PAS INTANGIBLE.
C'est une simple
évidence, comme toute loi elle peut être modifiée par une autre loi et pour
certaines dispositions par voie réglementaire. Elle sera modifiée 13 fois.
Démagogiquement, la commission Machelon argue de ce fait pour faire des
propositions qui rendrait la loi caduque. Le problème n'est pas que la loi ait
été modifiée, mais de savoir si ces modifications la dénaturent ou non.
1) La
question des cultuelles catholiques.
En 1905, du fait de
la nationalisation des biens du clergé en 1789 qui n'a touché que les
catholiques, 89% des lieux de culte catholiques sont propriété publique
communale contre 49% des temples et 11% de synagogues. L'exercice du culte
catholique est géré par des associations nommées "fabriques" directement
contrôlées par les évêques.
Ultra conservateur,
le pape Pie X condamne la loi de 1905 et les cultuelles dans deux encycliques
et annonce l'excommunication des fidèles organisant des cultuelles. Il
condamne, par avance, d'éventuelles "cultuelles schismatiques".
L'impasse est
totale. La loi de 1905 prévoyait la disparition des anciennes associations de
gestion au profit des cultuelles et le Vatican refusait les nouvelles
cultuelles.
Dans l'esprit
d'apaisement de la loi de 1905, les gouvernements sont tenter de contourner
l'obstacle sans mettre en péril les fondements de la loi. De nombreuses
modifications de la loi sont votées sans pour autant fléchir Pie X :
·
Circulaire du 1er
décembre 1906 validée par un avis du Conseil d'Etat : une simple déclaration
annuelle est suffisante pour faire fonctionner une cultuelle.
·
Loi du 2 janvier 1907 :
les cultuelles sont assimilées à des établissements communaux d'assistance et de
bienfaisance et à ce titre peuvent être affilées à la loi de 1901 ou de 1905
ou fonctionner sur simple déclaration.
·
Loi du 28 mars 1907 :
suppression de l'obligation de déclaration annuelle.
·
Loi du 13 avril 1908 :
introduction de modifications encore plus importantes qui constituent les
articles 6,7,9,10,13 et 14 de l'actuelle loi de 1905 :
* Les
lieux de culte qui n'ont pas été réclamés par des cultuelles deviennent
propriété
publique (1 500 lieux du culte
catholiques supplémentaires sont concernés).
* L'Etat met
ces biens gratuitement à disposition des cultuelles.
* Du fait de la
propriété publique, la charge de l'entretien et de la réparation de ces
lieux de culte incombe aux collectivités publiques propriétaires.
Les concessions
à l'Eglise catholique sont considérables et pourtant sans effet sur Pie X qui
maintient intégralement son refus. Il faudra attendre les accords de 1924 avec
le nouveau pape pour que le contentieux soit définitivement réglé avec la
création des associations diocésaines contrôlées par les évêques.
En dépit de la
lourde charge financière publique induite par ces accords spécifiques aux
catholiques, le non-subventionnement inscrit à l'article 2 de la loi est-il
pour autant supprimé de fait ?
Pas selon la
logique adoptée par le législateur et le Conseil d'Etat pour lesquels seules
les aides directes à la construction d'édifices cultuels constituent
des subventions. Pour l'Etat, Les fondements de la loi ne sont pas
détournés par ces lois modificatives.
2)
Assouplissement des règles financières.
* Extension d'un
avantage fiscal : la loi du 19 juillet 1909 étend aux propriétaires privés
des lieux de culte (les cultuelles) le bénéfice des exonérations fiscales.
* Extension de
l'assiette du financement des cultuelles : la loi du 25 décembre 1942
autorise les cultuelles à recevoir des dons et legs (des lois
modificatives de modernisation suivront).
* Extension d'un
avantage financier : cette même loi étend aux propriétaires privés des
lieux de cultes (les cultuelles) la prise en charge par les collectivités
publiques des réparations des lieux de culte. L'entretien,
probablement par oubli, ne figure pas dans la loi.
Cette loi de 1942 est
contestée par plusieurs associations laïques puisque l'Etat prend en charge des
dépenses incombant, selon la loi de 1905, aux seules cultuelles propriétaires
privés des lieux de culte. Cependant ce sont les concessions accordées à la
seule Eglise catholique en 1908 et 1924 qui ont créé une situation profondément
choquante. Les protestants et les juifs, appliquant la loi de 1905, sont devenus
propriétaires de leurs édifices cultuels. Cette propriété les obligent à
financer eux-mêmes les frais d'entretien et de réparations des édifices
cultuels.
Dans l'optique
de la loi de 1905 et des lois modificatives, les concessions accordées aux
cultes ne remettent pas en cause le non-subventionnement qui ne vise que les
constructions de nouveaux édifices cultuels.
La loi de 1942
est conforme à cette interprétation en précisant que les cultuelles "ne
pourront sous quelque forme que ce soit recevoir des subventions de
l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme des
subventions les sommes allouées pour réparation aux édifices affectés au culte
public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques".
E)
DES FINANCEMENTS ACTUELS JURIDIQUEMENT MAL ASSURES
Les subventions
directes à la construction de nouveaux lieux de culte étant strictement
interdites par la loi de 1905 même modifiée, plusieurs aides indirectes des
collectivités publiques, juridiquement incertaines, sont couramment utilisées.
1) Les baux
emphytéotiques administratifs (B.E.A)
les communes
cèdent, pour un loyer symbolique (parfois un euro), le terrain ou sera
construit le lieu de
culte (terrain d'une valeur de plusieurs centaines de milliers d'euros) et
proposent un bail long
(jusqu'à 99ans).
Contrairement à
l'interprétation du Conseil d'Etat, deux tribunaux administratifs saisis par le
parti d'extrême droite MNR ont refusé les termes de la transaction considérant
que la modicité des sommes demandées pour le loyer équivalait à une subvention
déguisée. Dans les années1930 plusieurs centaines d'églises ont été construites
par ce biais (chantiers du Cardinal) sans que l'extrême droite n'y trouve à
redire. Cherchez l'erreur.
Dans le cas de
la future grande mosquée de Marseille (8 600 m2 de terrain et 2 550 m2 de
bâtiments), suite au jugement négatif du T.A., la mairie a établi un nouveau BEA
réduisant le bail à 50 ans (au lieu de 99 ans) et portant le loyer à 24 000
euros par an (au lieu de 3600 euros).
Dans le
cas de la mosquée de Montreuil, le T.A. de Cergy-Pontoise a estimé que le loyer
d' un euro annuel
pour un terrain de 1693 m2 constituait une
subvention déguisée. Estimant que le nouveau bail proposé par la mairie (6 000
euros annuels) s'apparentait encore à une subvention, le MNR à de nouveau
déposé plainte. Le MNR fait preuve d'acharnement raciste, mais juridiquement la
situation n'est pas claire.
Le Conseil
d'Etat, comme le souhaitait le législateur en 1905, a toujours tranché dans le
sens favorable aux cultes. Mais il est obligé dans son rapport de 2004 de
reconnaître la "fragilité juridique" des B.E.A. La commission Machelon le reconnaît également.
2) Les garanties
d'emprunt
Ces garanties
accordées par les collectivités locales aux associations cultuelles sont
actuellement encadrées et réservées aux communes qui construisent de nouveaux
quartiers.
3)
Des subventions publiques pour des locaux à
vocation culturelle
Ce sont des
locaux annexés à l'édifice cultuel et qui, au titre de la loi de 1901 peuvent
être subventionnés.
Cette
possibilité légale est parfois utilisée pour détourner la loi de 1905
comme ce fut le cas pour la cathédrale
d'Evry en 1988 recevant 2 millions 700 000 euros pour la construction, en
annexe, d'un " centre d'art sacré" demeuré vide jusqu'au 30 septembre…2007. Une
violation de la loi de 1905 par le ministre J. Lang, l'Etat, la région et la
ville nouvelle d'Evry. Une Agence nationale d'art sacré est crée pour gérer ce
centre qui restera vide jusqu'en 2007. En 2004, le diocèse rachète le bâtiment
pour y créer un musée d'art sacré ouvert aussi aux " diverses expressions de
l'art ". ce musée vient d'ouvrir le 30 septembre 2007. Le problème des
subventions publiques contraires à la loi serait-il résolu? Plusieurs questions
restent en suspend.
Quel a été le montant
de la transaction immobilière? Quel est le budget du musée? Des subventions
publiques de fonctionnement seront-elles accordées? Ce qui poserait le problème
de savoir qui gère ce musée. Officiellement c'est une association (ce qui
pourrait justifier des subventions) , mais dans les fait c'est bel et bien l'
association cultuelle diocésaine par le biais du vicaire général qui assure la
gestion (ce qui interdirait les subventions).
Le cas de la
Mosquée de Paris, souvent mis en avant comme exemple de dérogation au
non-subventionnement, est également un cas particulier. Cette grande mosquée
fut officiellement construite (entre 1922 et 1926) pour célébrer le
sacrifice des troupes coloniales d' Afrique du Nord durant la guerre de 14-18.
En fait, il s'agissait d'officialiser la puissance coloniale de la France., en
particulier face à l'Angleterre qui la concurrençait dans les territoires
musulmans d' Afrique. Inaugurée en 1926 elle comporte, outre la salle de prière
(édifice cultuel) des bâtiments à usage culturel (une madrasa, une bibliothèque,
une salle de conférence, un hammam, un restaurant, un salon de thé, des
boutiques). Au titre des bâtiments à activités culturelles il était donc
conforme à la loi de 1901 (et à celle de 1905) que l'Etat participe
financièrement à la construction de cette mosquée (500 000 francs en 1920,
soit 76 000euros). Son fonctionnement est actuellement financée par l' Algérie,
mais en 2007, les collectivités publiques et l'Etat ont, en fonction de la loi
de 1905, pris en charge 3,2 millions d' euros de travaux (sur 3,6 millions au
total) pour la restauration de cet édifice cultuel.
Ces deux cas mis
en avant par la commission Machelon pour symboliser le non respect de la loi
de 1905 révèlent la volonté de la commission de travestir la réalité pour
justifier ses attaques contre la laïcité
III)
LA COMMISION MACHELON
A) LE
CONTEXTE POLITIQUE
Impulsée, en octobre
2005, par N. Sarkozy alors ministre de l'Intérieur, elle s'inscrit dans une
double démarche :
·
La poursuite de la
volonté politique de nombreux ministres de l'Intérieur d'organiser l'Islam de
France pour lutter contre l'intégrisme et favoriser l'intégration
des populations de culture musulmane en luttant contre la xénophobie qu'elles
subissent.
Cette démarche
est cependant entachée de l'erreur (volontaire) consistant à confondre les
populations de culture musulmane avec les croyants musulmans et à
traiter un problème social avec une réponse cultuelle.
De plus, en
prétendant contrôler l'activité cultuelle de l'Islam de France, au-delà de ce
qui est du ressort de l'ordre public, l'Etat fait retour à un gallicanisme
contraire à la laïcité.
· La pêche aux voix des
populations d'origine immigrée pour les élections présidentielles par le biais
de la religion musulmane ainsi que la pêche aux voix des protestants en
répondant aux demandes de la Fédération protestante de France.
Dans son livre " La
république, les religions, l'Espérance" (éditions catholiques du Cerf) N.
Sarkozy met le religieux au centre de la vie publique " pour fondamentale
qu'elle soit, la question sociale, pour ne citer qu'elle, n'est pas aussi
consubstantielle à l'existence humaine que la question religieuse". Il estime
que l'Homme athée est "sans aucune espérance" et se prononce pour la
modification de la loi de 1905 afin que les collectivités publiques puissent
librement subventionner la construction des édifices cultuels. Ratissant large,
il récuse le terme de secte au profit de "nouveaux mouvements spirituels" pour
certains mouvements comme la Scientologie.
La volonté d'aller
vite pour rendre les conclusions avant l'élection présidentielle de 2007, est
attestée par le peu de temps accordé à la commission qui devait rendre son
rapport en juin 2006. Alors qu'elle ne le rendra qu'en octobre 2006, dès juin
2006 le député Grosdidier anticipe sur les conclusions du rapport avec deux
propositions de loi :
·
L'une autorisant les
collectivités locales à financer la construction des lieux de cultes. Les
subventions seraient désormais autorisées signant ainsi la disparition du
principe de non-subventionnement, fondements de la loi de 1905 (article 2 et
son application art.19).
·
L'autre demandant qu'en
Alsace-moselle, l'Islam bénéficie d'un statut juridique de même nature que celui
des quatre cultes reconnus.
B)
COMPOSITION DE LA COMMISION
Le président est J.P.
Machelon professeur de Droit public, le rapporteur Mme L. Marion maître des
requêtes au Conseil d'Etat. Les autres membres comprennent 1 conseiller d'Etat,
3 avocats, 1 économiste, 1 historien,1 théologien, 4 professeurs d'université, 1
chercheur du CNRS, un professeur de l'EPHE, 1 ancien président de tribunal
administratif. Une commission composée de spécialistes supposés impartiaux.
Sans connaître les
orientations de tous les membres de cette commission on peut relever que les
trois avocats sont directement liés à un culte (consistoires et CFCM), que
l'historien est lié au protestantisme, qu'un universitaire est lié aux juristes
catholiques, qu'un autre a collaboré à un ouvrage avec JM Woehrling, que le
président du tribunal est J.M. Woehrling partisan avéré de l'extension du statut
scolaire local ainsi que le membre du CNRS, F. Messner.
Une
"commission sur mesure" dont on pouvait deviner les principales propositions
avant même qu'elle ne se réunisse.
Quant aux
personnalités auditionnées (45 personnes) la moitié sont des représentants d'un
culte, au moins 3 des personnalités politiques sont favorables au
subventionnement de la construction des lieux de culte (JM. Bockel, M. Valls, A.
Zeller). Seules trois personnes apparaissent clairement comme des partisans de
la laïcité : deux membres de la Ligue de l'Enseignement et Odon Vallet.
Sur le plan
juridique, le travail effectué par la commission est considérable pour les
références législatives et réglementaires ainsi que les avis et arrêts du
Conseil d'Etat ou les jugements de tribunaux administratifs. Le rapport est donc
un document technique fortement charpenté juridiquement. Pourtant à travers des
arcanes juridiques, on peut relever de nombreuses approximations dictées par la
volonté d'aboutir, par avance, à plusieurs propositions.
IV)
ORIENTATIONS GENERALES
A)
DE CURIEUSES STATISTIQUES
La commission
commence par le constat d'un paysage religieux diversifié. Sans distance
critique, elle reprend à son compte le résultat d'un sondage consistant à
demander aux sondés, sans autre forme de procès, à quelle religion ils
appartiennent : 65% des français seraient catholiques, 6% musulmans, 2%
protestants, 1% juifs, 1% chrétiens historiques auxquels il faut ajouter les
bouddhistes, les hindouistes, et les mouvements atypiques comme les témoins de
Jéhovah. Un peu plus loin les adeptes du "dojo-zen" sont aussi cités. Enfin, 25%
des sondés seraient agnostiques (ce qui est peu par rapport à une enquête un peu
plus récente : 31%).
En réalité, il faut
fixer des critères rationnels pour déterminer l'appartenance à une
religion. Pour les religions "du livre" c'est la présence hebdomadaire au culte
ou à la prière. Les croyants qui respectent cette règle ne sont plus que 7 à 10%
de chaque catégorie. Ainsi la France ne compterait, au plus, que 6% de
catholiques pratiquants (11% en comptant ceux qui suivent l'office une à
deux fois par mois).
Début 2007, une
enquête du "Monde des religions" ne fait plus état que de 51% de français se
déclarant catholiques. Parmi ceux-ci, 48% doutent ou refusent l'existence de
Dieu et 26% supplémentaires jugent cette existence seulement "probable", 79%
choisissent de considérer cet éventuel Dieu comme "une force, une énergie, un
esprit" au lieu, selon le dogme, "d'un Dieu avec qui je peux être en relation
personnelle".
Voilà des
"catholiques" bien peu catholiques qui se bricolent une religion individuelle
n'ayant plus rien à voir avec les dogmes de l'Eglise catholique. Il en est de
même pour les autres cultes.
La commission a
donc réalisé un important travail juridique pour une toute petite minorité de
croyants. Cela ne la gène pas car son objectif réel est de favoriser
l'influence et l'expression publiques des cultes dans une société en voie de
sécularisation marquée par "le recul des pratiques religieuses".
La commission
souligne que de nombreuses personnalités auditionnées " ont déploré la
complexité du droit des cultes en France. Celui-ci constitue sans doute l'un des
domaines du droit où l'objectif à valeur constitutionnelle d'accès et
d'intelligibilité de la règle de droit est le plus gravement bafoué. La matière
se caractérise par une accumulation d'éléments épars, souvent contradictoires
faute de mise à jour systématique".
Nous saluons
cette prise de position de la commission, mais nous nous étonnons que celle-ci
n'ait pas porté le même jugement sur le droit des cultes en Alsace-Moselle
ainsi que sur sa non codification.
B)
DENATURER LA LAICITE
La commission va
s'employer à amputer la laïcité de certains de ses principes fondateurs.
S'appuyant sur le curieux "rapport public pour 2004" du Conseil d'Etat sur la
laïcité, la commission définit la laïcité à partir de trois principes : la
neutralité de l'Etat, la liberté religieuse, le pluralisme
religieux.
Cette définition
fait uniquement référence à l'article 1 de la loi de 1905 favorable aux
cultes. Elle ignore superbement l'article 2 qui fonde la séparation juridique
et financière entre l'Etat et les cultes. Cette invraisemblable "omission"
vide de son sens (la séparation) la loi de 1905.
Cette loi
rendue ainsi exsangue, est supposée traduire une "laïcité apaisée", en fait,
elle traduit l'abandon de la laïcité.
La commission cite
quand même une prise de position plus nuancée (mais peu précise) du Conseil
Constitutionnel : "Nul ne peut se prévaloir de croyances religieuses pour
s'affranchir des règles communes". Le C.C. rappelle ainsi que l'article 2
fondateur de la séparation entraîne une distinction entre la sphère publique
(celle des règles communes) et la sphère privée (celle des opinions
personnelles philosophiques, spirituelles, religieuses, celle des regroupements
communautaires).
La commission
s'appuie sur le fait incontestable (rapport Marchand, rapport du Haut conseil à
l'intégration) que les populations d'origine immigrée sont encore
fortement discriminées (emploi, logement, xénophobie rampante).
Selon une
thématique récurrente (y compris dans les partis de gauche), la commission
feint de considérer que tous les groupes ethniques de culture musulmane sont
membres de la religion musulmane, alors qu'ils ne sont que 10% dans ce cas.
Par ce tour de passe-passe, l'Islam de France se voit gratifié de quatre à six
millions d'adhérents…
Dans le journal "Le
Monde" du 11/04/06, Xavier Ternisien commente une étude sociologique de "l'
International Crisis Groupe" basé à Bruxelles. Cette étude rappelle que, lors
des émeutes d' octobre-novembre 2005, les imams appelés en renfort par un
gouvernement totalement dépassé n' ont eu aucune influence sur les jeunes
révoltés. Tarik Ramadan lui même a avoué : " Nous sommes tous déconnectés. Les
organisations islamiques comme moi même…"
Les groupe salafistes
s' implanteraient mieux , mais s' intéresseraient peu à la mise sur pied de
structures sociales collectives.
Le
profond malaise des jeunes des banlieues n'est pas religieux!
Ce malaise est social et culturel. Il ne sera résorbé que par des mesures
sociales et culturelles.
Pour les besoins de
sa cause, la commission va tenter de se débarrasser juridiquement de l'article 2
fondateur de la "séparation des Eglises et de l'Etat".
V)
UN ARGUMETAIRE JURIDIQUE FORT PEU SERIEUX
A) LE PRINCIPE DE
NON-SUBVENTIONNEMENT NE SERAIT PAS CONSTITUTIONNEL
1) Une apparente
volonté d'égalité entre les cultes
La loi a été
modifiée 13 fois, elle n'est pas intangible et d'après la commission elle ne
correspondrait plus à l'état du paysage religieux actuel, notamment aux besoins
de lieux de culte des évangéliques et des musulmans. Il serait donc nécessaire
de modifier la loi de 1905.
Il est exact que les
évangéliques et les musulmans ont actuellement d'évidents besoins en matière de
construction ou de location de lieux de culte. Peut-on dire qu'ils sont pour
cela discriminés? Evidemment non, aucun culte en matière de
nouvelles constructions ne peut recevoir de subventions.
La loi de 1905 ne
crée pas de discriminations. La discrimination existe au niveau de certaines
municipalités qui tentent de s'opposer à la construction de certains
édifices cultuels, essentiellement des mosquées.
Des solutions conformes à la loi de 1905
existent sans qu'il soit nécessaire de la modifier pour rendre justice aux
cultes discriminés au niveau communal.
2) Un
argumentaire confus
S'appuyant sur de
nombreuses références juridiques, la commission mêle sans distinction les
références au principe de laïcité, à l'article 2 dans son ensemble et au
principe de non-subventionnement isolé de l'article 2. Elle s'appuie sur de
nombreux arrêts de Conseil d'Etat.
Par la volonté du
"juge administratif" (le C.E.), le principe de laïcité aurait évolué pour ne
plus englober que l'article 1 instituant la neutralité de l'Etat vis
à vis des cultes. Seuls les principes de neutralité, la liberté de
conscience et la liberté religieuse auraient désormais une valeur
constitutionnelle fondant la laïcité.
Ainsi en ignorant
superbement la législation (cf. articles 18 et 19 -en référence à la loi de
1942-) la commission persiste à refuser qu'il existe deux sortes d'aides
étatiques : une aide indirecte
(exonérations,
aumônerie) conforme à la loi de 1905 et une aide directe, la subvention,
interdite aux cultuelles par la loi de 1905. Les associations de gestion
des cultes loi de 1901 peuvent recevoir des subventions mais uniquement
pour leurs activités non cultuelles.
Pour le législateur,
ce n'est pas parce que les aides indirectes aux cultes (essentiellement à
l'Eglise catholique du fait de l'intransigeance du pape) ont été élargies après
1905 que le principe de non-subventionnement s'en trouve invalidé.
Il existe bien un
regrettable accord passé en 2001 entre l'Etat français et le Vatican, concernant
le financement d'une mission hors de France et assimilable à un
subventionnement. Le gouvernement a accepté que les diocésaines financent des
missions hors du diocèse et hors de France. Cet accord, contraire à la loi de
1905, constitue bien une entorse au principe de non-subventionnement, mais il
est resté isolé. Il s'agit d'un simple échange de lettres entre les deux
parties. La commission qui n'est pas à une provocation prêt a osé affirmer que
cet échange de lettres était assimilable à un "accord international".
Comme l'a écrit
Henri Pena-Ruiz " ce n'est pas parce qu'un automobiliste grille un
feu rouge qu'il faut supprimer les feux rouges".
La commission tente
aussi d'impliquer le Conseil constitutionnel qui n'a pas cité la loi de 1905
pour consacrer la liberté de conscience en tant que "principe
fondamental reconnu par les lois de la république". Les références à la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ainsi qu'à la constitution de
1946 servant, seules, de justificatif au C.C.
Ce faisant
le C.C. indique simplement qu'historiquement, c'est la Première république qui
a, pour la première fois, institué la liberté de conscience en tant que principe
fondamental. La loi de 1905 instituant le principe de laïcité a repris le
principe de liberté de conscience déjà principe fondamental, comme le fera plus
tard la constitution de 1946.
Il est
incontestable que se sont les articles 1 et 2 de la loi de 1905 qui fondent
juridiquement le principe de laïcité. Or, dans son arrêt du 6 avril 2001, le
Conseil d'Etat consacre le principe de laïcité comme "principe fondamental
reconnu par les lois de la République" (sans préciser s'il le juge établi sous
la première république ou en 1905). Ce principe sera ultérieurement
constitutionnalisé par les constitutions de 1946 et 1958.
Fondements
de la laïcité, principes fondamentaux et constitutionnels, les articles 1 et 2
de la loi de 1905 ont, tous deux, une valeur constitutionnelle.
Le non-subventionnement de la construction des lieux de culte inscrit à
l'article 2 de la
Loi de 1905 a valeur constitutionnelle.
B) LE
PRINCIPE DE NON-RECONNAISSANCE DES CULTES NE SERAIT PAS CONSTITUTIONNEL
La
non-reconnaissance fonde politiquement et financièrement la laïcité.
Elle met fin au concordat, au gallicanisme et au cléricalisme. L'Etat étant
neutre, il ne reconnaît pas les cultes, mais, pour autant, il ne les ignore
pas. Il est garant de la liberté religieuse et contrôle le
fonctionnement des cultuelles relativement à l'ordre public et à la transparence
financière.
Le
principe de non-reconnaissance donne aux cultes un statut de droit privé (au
lieu d'un statut de droit public avec le concordat).
Comme le
principe de non-subventionnement, le principe de non-reconnaissance, fondement
de la laïcité, inscrit à l'article 2, est bien un principe de valeur
constitutionnelle.
VI)
DES PROPOSITIONS APPAREMMENT MODEREES
Le chapitre I (Les
lieux de culte) contient essentiellement des propositions, à première vue
modérées, pour favoriser le financement de nouveaux lieux de cultes.
A) PROPOSITION
D'EXTENSION DES B.E.A. A TOUTES LES ASSOCIATIONS DE GESTION DES CULTES
Actuellement, seules
les cultuelles 1905 peuvent bénéficier d'un B.E.A.
La
commission propose l'extension des B.E.A. aux associations de gestion des
cultes loi de 1901.
De nombreuses
associations de gestion des cultes (en particuliers chez les musulmans) se sont
volontairement affiliées au régime de la loi de 1901.
Cette proposition de
la commission pose deux problèmes importants :
·
Elle tend (par le biais
des B.E.A.) à faire tomber les différences entre les associations
cultuelles (1905) et les associations de gestion des cultes loi de 1901. C'est
là une orientation totalement contraire à la loi de 1905 qui à fait des
cultuelles des associations spécifiques distinctes des autres
associations (il est vrai que les modifications intervenues après 1905 ont
singulièrement atténué la volonté primitive du législateur).
·
Elle représente
une aide financière considérable pour les associations, autres que les
cultuelles, qui bénéficieraient ainsi de nouveaux avantages financiers pour
construire des lieux de culte. C'est particulièrement le cas des évangéliques et
de musulmans.
Les B.E.A.
constituent bien des aides indirectes à la construction et à ce titre ne sont
pas des subventions. Mai les loyers très faibles proposés (par rapport au prix
élevé du terrain) peuvent constituer des subventions déguisées.
Comme nous l'avons
déjà indiqué, deux tribunaux administratifs viennent de sanctionner des B.E.A.
financièrement si avantageux que les tribunaux les ont assimilés à des
subventions interdites aux associations cultuelles 1905 ou aux associations
loi de 1901 pour leurs activités cultuelles.
Comme le Conseil
d'Etat, la commission a d'elle-même évoqué cette difficulté juridique. Même
l'apport de l'ordonnance du 22 avril 2006 modifiant l'article L.1311-2 du Code
Général des Collectivités Territoriales (C.G.C.T.) n'offre pas de nouvelles
garanties.
Le recours aux
B.E.A. est une pratique ancienne qui jusqu'à ce qu'elle soit accordée au culte
musulman n'avait jamais suscité de contestation. Elle n'est pas formellement
contraire à l'article 2 pourvu que le
loyer demandé par la collectivité propriétaire du terrain ne soit pas
symbolique.
Cependant, la
demande d'extension des B.E.A. à toutes les associations alors qu'ils sont
réservés aux cultuelles, entraînerait pour les collectivités publiques des
manques à gagner considérables si elles décidaient de favoriser les cultes au
détriment des dépenses civiles.
B)
DEMANDE DE GENERALISER LES GARANTIES D'EMPRUNT
Depuis 1961 le
législateur a adopté un texte favorisant la construction de nouveaux lieux de
culte dans les zones urbaines en voie d'expansion (art. L. 2252-4 du CGCT et
L.3231-5 codifiant la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961). Les communes,
groupements de communes et les départements peuvent accorder des garanties
d'emprunt aux " associations cultuelles ou aux groupements locaux" désirant
édifier un nouveau lieu de culte "répondant à des besoins collectifs de
caractère religieux" mais uniquement dans les " agglomérations en voie
de développement".
Ce texte, combiné au
contrôle plus strict des refus injustifiés de certains maires vis à vis
des musulmans ou des évangélistes (ordre public, préemption, dispositions
d'urbanisme), respecte l'article 1 de la loi de 1905 garantissant la liberté
de culte.
La
commission demande l'extension de cette disposition :
·
Pour toute demande
de nouvelle construction d'un lieu de culte, qu'elle concerne ou non une zone
urbaine en développement.
·
Pour permettre aux
régions d'accorder aussi les garanties d'emprunt.
Cette
proposition présente le risque que les associations cultuelles maîtres d'œuvre
ne puissent assurer pleinement leurs obligations financières. Les
collectivités locales seraient alors obligées de compléter le financement
déficient. Elles fourniraient ainsi une subvention à la construction
d'un édifice cultuel, ce qui est interdit.
C) DEMANDE D' OCTROI
D'AVANCES REMBOURSABLES.
La commission
suggère, sans fournir aucune base juridique, que les collectivités locales
puissent octroyer de telles aides.
Le risque est le
même que dans le cas précédent.
De plus, les
collectivités locales éprouvent déjà de grandes difficultés pour boucler leur
budget, l'Etat s'étant déchargé sur elles de nombreuses obligations. Si des
dépenses de caractère laïque sont déjà remises en question, ce n'est pas le
moment de les mettre en concurrence avec des dépenses liées aux cultes.
D)
DEMANDE D'AGIR SUR LE DROIT D'URBANISME.
Fort justement, la
commission relève, tout particulièrement pour l'Islam (mais aussi pour les
évangéliques), que certains maires font preuve d'ostracisme et utilisent,
sans justification objective, des dispositions d'urbanisme pour refuser
l'implantation d'un lieu de culte et discriminer certains cultes.
Ils prétextent une
préemption, un changement d'affectation d'un immeuble, le respect de
l'environnement, un manque de places de stationnement.
La commission
préconise
*
que les maires prennent en compte les demandes de
construction de lieux de culte dans
leurs
documents d'urbanisme.
* que les maires
prévoient des espaces réservés aux lieux de culte dans leurs documents
d'urbanisme.
* que
l'attention des préfets soit attirée sur les refus non justifiés.
* que les maires
qui préemptent abusivement soit obligés de provisionner la préemption.
En dehors de la
prévision automatique de terrains et parking pour d'éventuels lieux de culte
(qui limite sans raison l'urbanisation) les autres demandes nous sembles
justifiées pour lutter contre la discrimination dont sont victimes certains
cultes.
E)
DEMANDE DE GARANTIR L'AFFECTATION DES BIENS CULTUELS.
C'est un long
paragraphe très technique expliquant les différents types de propriété des lieux
de cultes et les problèmes que la commission a recensés.
1) Il existe deux
régimes d'affectation des biens des cultes.
* le régime
d'affectation légale :
-
Biens cultuels,
propriété des communes car construits avant 1905 sur un terrain communal.
Le code civil
(art. 55) affirme la primauté de la propriété du sol sur le bâti.
-
Biens cultuels,
propriété publique. Biens devenus propriété publique par la
"nationalisation des biens du clergé" et la loi de 1908. La majorité des
églises catholiques se rangent dans cette catégorie.
L'affectation légale garantit l'affectation des biens cultuels sans limitation
dans le temps.
* La
propriété privée :
-
Ce sont les
biens cultuels remis aux cultuelles par la loi de 1905, donc
essentiellement les
temples protestants et les synagogues.
-
Ce sont aussi
les lieux de culte construits après 1905 (1800 lieux de culte dont près
de 500 ont bénéficié
d'un B.E.A.).
2) La commission
demande :
·
Pour les
biens sous affectation légale :
-
Une modification concernant le transfert des
biens en cas de dissolution.
La loi de 1905 prévoit (art. 9) que ce
transfert nécessite une décision du Conseil d'Etat. La
Commission
demande l'introduction d'une simple procédure civile. C'est l'AG de l'association qui se dissout procèderait librement à la dévolution des biens.
A priori, la
demande est raisonnable, mais en fonction de propositions ultérieures de la
commission,, il faut émettre des réserves(§ VI, D, 3)
-
Une clarification de l'affectation des
lieux de culte.
Le régime
garantit l'affectation cultuelle, mais la collectivité publique propriétaire
peut désirer organiser des cérémonies civiles dans le lieu de culte (concert,
visite). Dans ce cas qui a la décision ? L'ordonnance du 21 avril 2006
insérant l'article L.2124-31 dans le code de la Propriété Publique précise que
l'accès au lieu de culte "est subordonné
à l'accord de l'affectataire".
-
Une légalisation des procédures de
désaffectation.
Les motifs de
désaffectation sont fixés par l'article 13, les autres motifs nécessitant une
loi. Le décret du 17 mars 1970 simplifie le recours à la loi avec une
procédure "amiable", mais ce n'est qu'un décret.
Cette demande
est logique, mais il faut remarquer qu'elle vise aussi à donner aux cultuelles
une plus grande liberté dans la gestion des biens qui leur ont été affectés.
- Une
extension de l'engagement financier des collectivités publiques.
* La
commission demande la mise en cohérence des articles 13 et 19 en ajoutant à
l'article 19 la prise en charge par les collectivités publiques des "dépenses de
sécurité et de mise en conformité
des édifices cultuels", propriété privée des cultuelles (seules les dépenses
de réparation sont prévues à l'article 19).
Ce serait
une nouvelle charge financière pour ces collectivités en faveur des cultuelles
, mais ce serait
en cohérence avec les lois de 1908 et 1942.
*
La commission demande aussi que toutes les associations puissent
bénéficier de l'avantage réservé aux cultuelles de prise en charge des
réparations des bâtiments affectés ou propriété de ces associations.
Certaines
associations de gestion des cultes n'ont pas choisi, en toute connaissance
de cause, le système des cultuelles 1905. Elles doivent assumer les
conséquences de leur libre choix.
La commission ne
propose rien d'autre que d'accorder toujours plus d'avantages financiers aux
associations de gestion des cultes.
Cette insistance
finit par devenir suspecte. Elle évoque irrésistiblement une démarche
cléricale visant à mettre les religions au centre de la vie publique. D'autres
propositions confirmeront cette volonté de la commission.
·
Pour les
biens propriété privée.
Les
cultuelles ne peuvent renouveler un B.E.A. Elles n'ont donc aucune garantie
d'affectation lors de l'expiration du bail.
La
commission demande la création de baux emphytéotiques avec option d'achat.
Cette demande ne
soulève pas de problème, à condition que le prix de vente soit conforme à la
nature du bien.
VII)
UNE PROPOSITION ANTICONSTITUTIONNELLE : LE SUBVENTIONNEMENT DE LA
CONSTRUCTION DES LIEUX DE CULTE.
La commission
s'était évertuée précédemment à disqualifier juridiquement l'article 2. Elle est
allée plus loin et propose sans autre forme de procès " d'autoriser
formellement l'aide directe à la construction des lieux de culte".
Cette
proposition radicale vise à amputer l'article 2 d'un fondement de la laïcité :
le non-subventionnement des cultes.
La commission estime
que cette mesure manifesterait "la sollicitude de la république envers des
groupes sociaux qui souffrent de relégation sociale" et "aurait valeur
d'exemple" pour les maires au comportement xénophobe envers l'Islam.
La commission
continue de confondre les populations de culture musulmane avec l'Islam.
Elle envisage plusieurs "solutions" :
1) Modifier la loi
de 1905.
La commission se
garde de proposer directement une modification de l'article 2.
Elle propose
d'insérer "un nouvel article" dans le titre III de la loi de 1905"
autorisant les subventions à la construction des lieux de culte".
A défaut, elle
propose d'ajouter à l'article 19 (autorisant les collectivités publiques à
prendre en charge les réparations) l'autorisation (pour les
collectivités) de participer au financement de "la construction des édifices
affectés au culte"
2) Modifier
le Code Général des Collectivités Territoriales,
en permettant aux communes et groupements de
communes d'accorder des "aides à la construction des lieux de culte".
Cela
revient à la première proposition de
supprimer le non-subventionnement.
De plus, la commission estime qu'il ne
faudrait surtout pas fixer un plafond aux subventions car en cas de location du
terrain par B.E.A. , le coût réel du terrain pourrait être inclus dans le calcul
de la subvention. Le montant de la subvention serait alors souvent dépassé par
le coût du terrain.
Même si la commission
croit bon de préciser que "dans tous les cas, l'octroi d'aides à la construction
d'édifices du culte ne serait qu'une faculté", le coup est rude et la
proposition hasardeuse au regard de sa constitutionnalité. Pour éviter
l'écueil du non-respect de l'égalité, la commission précise que tous les
cultes doivent être concernés par ces propositions. Elle prévoit aussi "une
clause de rendez-vous" pour procéder à l'évaluation de la mesure.
On reste
confondu devant le cynisme de la commission proposant, sans tenir compte de
leur constitutionnalité, des mesures qui videraient la loi de 1905 d'un des
principes fondateurs de la laïcité : le non-subventionnement de la
construction des lieux de culte.
Une telle mesure
coûterait cher au contribuable et contribuerait gravement à augmenter la dette
publique. Les 230000 suppressions de postes annoncées dans la fonction
publique (dont plus de 11 0000 dans l'enseignement) vont-elles servir à
financer des édifices cultuels?
La commission
avait déjà demandé aux collectivités publiques de prendre en charge toutes
les dépenses d' entretien et de réparation gérées par n'importe
qu'elle association de gestion des cultes. Elle charge la barque en leur
demandant aussi de subventionner la construction de lieux de cultes.
Des centaines de
millions d' euros, voir des milliards, pourraient ainsi être engloutis au
bonheur des cultes.
Il faut espérer
qu'aucun gouvernement n'accepterait de se livrer à une telle provocation.
Cette forme de cléricalisme entraînerait une puissante réaction des laïques
comme se fut le cas le 16 janvier 1994 ou plus d'un million de manifestants se
sont opposés , avec succès, au déplafonnement de l'aide publique aux écoles
privées.
VIII)
PROPOSITIONS DE MESURES FINANCIERES ET IDEOLOGIQUES.
La commission
complète son dispositif en mettant sur pied les conditions permettant aux cultes
de devenir des puissances financières et politiques. Ce sera l'objet du chapitre
2 (Le support institutionnel de l'exercice du culte)
A) LA LOI DE
1905 EST PORTEUSE D'AVANTAGES, MAIS IL Y A DES CONTRAINTES.
Finalement, en dépit
de ses attaques dévastatrices, la commission considère que le cadre de la loi
de 1905 apparaît comme particulièrement intéressant financièrement. Les
cultuelles bénéficient d'exonération foncière, elles reçoivent des dons et legs,
les dons donnent droit à déduction fiscale, les dons sont exonérés des droits de
mutation.
Cependant, l'activité
des cultuelles est réglementée, elles doivent avoir un objet cultuel,
leur activité doit être exclusivement cultuelle, elles ne doivent pas
avoir d'activité contraire à l'ordre public.
De plus les
associations de gestion des cultes loi de 1901 sont soumises à des règles de
la loi de 1905, elles ne peuvent recevoir de subventions pour leur activité
cultuelle.
Pour bénéficier de
tous les avantages fiscaux, les associations de gestion des cultes ont intérêt à
constituer deux associations : une, loi de 1905 pour les activités cultuelles et
l'autre, loi de 1901 pour les activités culturelles ou commerciales. Ce système
assure le respect de la loi de 1905 sur la spécificité des cultuelles. Il pèse à
certaines associations (notamment protestantes).
B) INJONCTION DE
NE PAS ENFERMER LES CULTUELLES DANS UN CADRE
CONTRAIGNANT.
1)
Demande
d'assouplissement de la tutelle préfectorale.
Pour recevoir des
dons et legs, une cultuelle 1905 doit être reconnue par un arrêté
préfectoral, cette procédure permet de lutter contre les sectes.
La commission
rappelle (il y a eu des recours au CE) que le préfet doit uniquement se fonder
sur les critères légaux (objet cultuel, activité exclusivement cultuelle, pas de
trouble à l'ordre public).
Depuis l'ordonnance
du 28 juillet 2005, une simple déclaration en préfecture suffit, le
préfet disposant d'un contrôle à posteriori.
La commission demande
que soient favorisées les procédures d'information avant la déclaration
légale, afin que les dossiers soient conformes.
Cette
demande est parfaitement justifiée.
2) Demande de
suppression de l'article 22.
La loi de 1905 par
son article 22 encadre strictement la constitution de fonds de réserves pour les
cultuelles. La loi prévoit deux types de fonds de réserve :
·
Un fond pour
le fonctionnement de la cultuelle
assurant les frais et l'entretien du culte. Selon l'importance des sommes
annuelles dépensées il ne doit pas dépasser 3 ou 6 fois le montant moyen de ces
dépenses annuelles.
·
Un fond déposé
à la caisse des dépôts et consignations exclusivement réservé à "l'achat,
à la décoration ou réparation d'immeubles ou meubles destinés aux besoins de
l'association".
La commission
demande la suppression de l'article 22 (ce qui ne manque pas de
radicalité) ou "à défaut l'actualisation du plafond" (ce qui semble
raisonnable).
Il existe un plafond
qui sépare les associations ayant droit à 3 ou 6 fois le montant des sommes
dépensées. Il a été fixé à 5000F en 1905, "réactualisé" à 50F en 1958 et depuis,
bloqué à cette somme. Une proposition de le porter à 25 000F en 1976 est restée
lettre morte.
Une petite
association recevant brusquement une somme importante ne pourrait la déposer
intégralement sur le fond de réserve.
Réactualiser ce
plafond serait justice, mais proposer de supprimer l'article 22 ne manque ni
d'audace ni d'arrières pensées.
La suppression
de l'article 22 permettrait à certaines cultuelles d'accumuler d'importantes
réserves et de devenir des puissances financières. Comme en 1905, l' article
22 sert justement à éviter cette situation pouvant conduire à un renouveau du
cléricalisme.
Evoquer une
tentative de réactiver le cléricalisme à propos de ces demandes n'est pas faire
preuve d'une suspicion malveillante. La commission rappelle elle-même que la
restriction au développement financier des cultuelles "se justifiait en 1905
par la volonté de contrôler les fonds des associations cultuelles". Mais
pour la commission, ce risque n'existerait plus aujourd'hui. Pourtant, les
cultuelles peuvent recevoir des dons et legs et la commission va encore formuler
de nombreuses propositions permettant aux cultuelles de devenir des puissances
financières.
2) Demande
d'éviter des contraintes fortuites.
La commission demande
au législateur de tenir compte des associations cultuelles quand il introduit
des modifications dans la gestion financière des associations.
La loi de finance
2002 (art. 6-3) se proposait d'assouplir la notion de "gestion intéressée" c'est
à dire les règles de la rémunération de dirigeants d'associations.
Ces dispositions
visaient les associations 1901, mais en vertu de l'article 18 de la loi de 1905,
elles s'appliquent aussi aux cultuelles 1905.
Deux conditions
étaient fixées :
·
Que l'association
Dispose d'un minimum de 200 000 euros de recettes non étatiques. Ce seuil est
bien supérieur au budget de nombreuses cultuelles.
·
Que les dirigeants
soient périodiquement élus. Ce qui excluait les diocésaines contrôlées par les
évêques.
Le bénévolat
est la règle dans les associations ainsi que le fonctionnement démocratique.
Les catholiques avec leurs diocésaines ne l'entendent pas ainsi, la commission
non plus.
La commission demande
la modification du titre I de la loi de 1901 précisant que de telles
dispositions ne sont applicables à la loi de 1905 qu'en vertu d'une disposition
expresse.
La demande
pourrait sembler raisonnable, beaucoup de petites cultuelles n'ont pas
d'importants frais de fonctionnement, mais tel n'est pas le cas pour toutes.
D'autre part si ces associations pouvaient se regrouper la situation changerait
radicalement.
En fait, la
demande n'est pas aussi innocente qu'elle en à l'air. Elle vise à permettre à
des cultuelles qui seraient devenues des puissances financières de
s'organiser en tant que telles avec des dirigeants rémunérés.
C)
DEMANDE DE MODIFICATION DE L'OBJET DES CULTUELLES (ART. 18 ET 19)
1)
Réparer des
"erreurs" d'affiliation.
La commission
constate que l'Islam traditionnel ne fait pas de distinction entre ses activités
cultuelles et ses activités culturelles. Elle en conclut que les structures des
associations cultuelles 1905 ne seraient pas adaptées à l'Islam. En fait, c'est
à l'Islam de s'adapter aux lois de la république. Il s'y est d'ailleurs adapté
sans problèmes mais, d'après la commission, en choisissant à 90% le système des
associations loi de 1901.
La commission conclut
que ce choix résulte de "la volonté de se soustraire à l'encadrement et aux
contrôles dont les associations cultuelles sont aujourd'hui l'objet de la
part de l'administration comme contrepartie inévitable des avantages attachés à
ce statut".
Nullement choquée par
cette volonté de se soustraire aux contrôles et compte tenu de l'attractivité
financière des cultuelles, la commission demande :
qu'une association
1901 puisse se transformer, sans incidence fiscale, en cultuelle 1905.
La demande
pourrait apparaître raisonnable, tout le monde pouvant se tromper. Cependant,
il faut noter q'un tel transfert aurait une importante incidence financière à
cause des exonérations fiscales. C'est le contribuable qui en ferait les
frais.
2)
Elargir l'objet des cultuelles.
Rappelons que
l'article 19 de la loi de 1905 précise que les cultuelles "devront avoir
exclusivement pour objet l'exercice d'un culte".
L'article 19 précise
aussi que les cultuelles 1905 "pourront verser, sans donner lieu à perception
de droits, le surplus de leurs recettes à d'autres associations constituées pour
le même objet".
Elles ne peuvent
ni gérer ni financer le activités culturelles du culte
dont elles permettent l'exercice.
Elles ne peuvent
faire de donation pour une autre activité que la gestion d'un culte.
Même le Conseil
d'Etat, si favorable aux cultes, à rendu un avis (24/10/1997) confortant cette
disposition : Le cultuel doit être séparé du culturel.
La
commission, propose, de remplacer "exclusivement" par "principalement".
Ainsi les
cultuelles, en complément de l'exercice du culte auraient aussi comme
objet (comme les associations de gestion du culte loi de 1901) des activités
multiples éducatives, culturelles, sociales, caritatives, commerciales,
audiovisuelles etc…
Pour ces
activités de nature non-cultuelle mais uniquement pour celles là, elles
pourraient légalement recevoir des subventions.
Cette proposition
répondant aux demandes pressantes de la Fédération protestante de France aurait
pour les cultes deux "avantages" :
·
Elle supprimerait la
nécessité de mettre sur pied deux associations, une cultuelle loi de 1905 pour
bénéficier des avantages fiscaux et une culturelle loi de 1901 pour bénéficier
des subventions uniquement pour les activités culturelles.
·
Elle permettrait, à
travers cette nouvelle et unique association de gestion du culte, de gérer
librement la totalité des flux financiers liés aux activités cultuelles et
non-cultuelles.
Ce simple
changement de mot est une arme redoutable visant un fondement de la loi de 1905.
Il contribue à annihiler la distinction entre les cultuelles (loi de
1905) et les associations de gestion des cultes loi de 1901.
Cependant, la
commission constate que "l'introduction de l'adverbe
"principalement"…risquerait de porter atteinte à l'économie générale de la loi
de 1905. Elle présente en outre l'inconvénient d'accroître fâcheusement
l'insécurité juridique." Le biais juridique d'utiliser la "notion
jurisprudentielle de l'accessoire" ( les cultuelles pourraient exercer leurs
activités culturelles à titre accessoire) n'apparaît pas plus solide.
Tout ce passe
comme ci la commission prenait enfin conscience des problèmes juridiques posés
par ses propositions.
Finalement
modifier l'objet des cultuelles présenterait, en l'état actuel de la
législation, plus d'inconvénients que d'avantages. Pour la commission mieux vaut
contourner l'obstacle et tenter de renforcer la puissance financière des
cultuelles par un autre moyen.
D)
PERMETTRE AUX
CULTUELLES DE DEVENIR DES PUISSANCES FINANCIERES.
1) faciliter la
circulation des flux financiers.
Les apports
financiers des cultuelles viennent, des quêtes, des cérémonies, des cotisations
mais aussi plus sûrement des dons et legs. La commission se refuse à ce que les
fonds récoltés soient "piégés" c'est à dire réservés uniquement aux
activités cultuelles.
Comme nous l'avons
signalé une cultuelle ne peut transférer des fonds pour financer une activité
non-cultuelle. La commission considère que les fonds surnuméraires transférables
des cultuelles seraient ainsi "piégés".
Elle préconise
de modifier l'article 19 de la loi de 1905 et l'article 33 du décret du 16
mars 1906 afin de permettre aux cultuelles 1905 de transférer des fonds non
seulement aux "associations constituées pour le même objet" conformément à la
loi de 1905, mais aussi " aux
associations de bienfaisance ou reconnues d'utilité publique, ainsi qu'aux
associations de droit local et celles dont le conseil d'administration est régi
par les décrets du 16 janvier et du 6 décembre 1939"
Cette proposition
respecterait formellement la distinction entre activités cultuelles et
non-cultuelles par le maintien d'associations distinctes pour les deux types
d'activités. Mais elle supprimerait l'étanchéité des comptabilités entre les
deux types d'associations et, de fait, équivaudrait à "modifier l'objet
des cultuelles".
Les flux financiers
circuleraient librement d'une association à une autre rendant les contrôles plus
difficiles et permettant à certaines cultuelles ou à d'autres associations de
gestion des cultes d'accumuler des capitaux.
De plus, la
commission veut encore élargir les possibilités de transferts financiers en y
adjoignant, entre autres, " les missions à l'étranger, les sociétés de
production" et tous les éléments à définir avec les cultes.
Cependant, la
commission réalisant qu'elle s'était laissée quelque peu emportée reconnaît que
"l'exercice, sans être impossible, est toutefois délicat". Nous approuvons
cet accès de lucidité.
La loi de 1905
visait justement à éviter que des cultuelles ne constituent des puissances
financières leur permettant de développer des interventions publiques
d'envergure.
2)
Organiser la
concentration des structures financières.
La loi de 1905
(art.20) prévoit que "ces associations (cultuelles) peuvent constituer entre
elles des unions". En 1905, cette disposition s'appliquait particulièrement
aux protestants organisés en plusieurs Eglises.
La commission
voit beaucoup plus grand. Elle préconise que ces unions "
puissent constituer des unions avec des
associations à objet cultuel constituées conformément au code civil local ou
des établissements publics du culte".
Ici, il s'agit
d'inclure les associations de droit local alsacien-mosellan dans le vaste
dispositif.
Comme il n'y a
pas de puissance financière sans concentration des structures de gestion, les
unions de base doivent pourvoir "constituer
d'autres unions (avec d'autres associations ou d'autres unions)".
La commission propose une organisation financière
verticale, pyramidale des cultuelles.
De plus, la commission demande de "compléter
l'avant dernier paragraphe de l'article 19 afin de préciser que les versements
ou cotisations aux unions sont permises, sans qu'il soit besoin d'attendre la
fin de l'année pour constater un excédent de recette" (art. 40 du décret du
16 mars 1906).
Les flux
financiers devraient pouvoir circuler librement tout au long de l'année. Cette
disposition n'est pas choquante en soi ,mais elle s'inscrit dans le processus
de constitution d' unions d' unions devenant des puissances financières.
3)
Attirer les dons et legs.
Il ne suffit pas de
prévoir à grande échelle la circulation des flux financiers, encore faut-il que
les fonds puissent s'accumuler dans les caisses des cultuelles. Pour les dons et
legs, en concurrence avec les associations laïques, les cultuelles devraient
bénéficier d'avantages financiers et gagner "en attractivité".
Hisser les
exonérations d'impôts des donateurs au niveau de 75% effleure un instant la
commission, qui renonce devant l'énormité de la proposition. Elle se contente de
préconiser :
* La
suppression, pour les cultuelles, de l'autorisation nécessaire pour recevoir les
dons et legs (art.200 1°e du Code
général des impôts).
* La
suppression du mot "strictement" dans l'article 6 de la loi de 1901 applicable
aux cultuelles concernant la possession des immeubles "strictement"
nécessaire à la poursuite de leur activité… à l'image de ce qui est autorisé
pour les associations reconnues d'utilité publique"
Pour la
commission, les éléments qui pourraient limiter l'expansion financière des
cultuelles doivent disparaître. On comprend dès lors les réserves émises
précédemment (§V, E, 2) pour des demandes apparemment acceptables de la
commission.
La
possibilité de créer des Unions d'unions dotées d'une puissance financière ne
semble pas suffisant à la commission, il faut encore que les cultes accèdent à
une reconnaissance publique officielle.
E)
PERMETTRE L'INTERVENTION PUBLIQUE DES CULTES.
La commission estime
que devrait être envisagée, à terme, "la création d'une forme particulière de
reconnaissance d'utilité publique pour les activités religieuse"
La commission
s'appuie sur l'exemple du Secours catholique et de la Fondation pour l'Islam de
France. L'argument est faible, le secours catholique n'est pas une association
cultuelle.
Le cas de la
Fondation pour l'Islam de France est différent. C'est un organisme créé "aux
forceps" sous l'impulsion de D. de Villepin pour contrer les déclarations
dévotes du candidat Sarkozy voulant mettre sur pied la révision de la loi de
1905 (commission Machelon). La déclaration d'utilité publique rendait la
fondation financièrement attrayante et permettait de contrecarrer les projets
sarkosiens.
De plus, n'étant pas
à un tour de passe-passe près, la commission feint à nouveau d'ignorer la
différence entre activités cultuelles et activités culturelles. La
cultuelle devraient "justifier que ses activités religieuses ont une
utilité publique telle que la contribution à l'éducation ou à la culture,
à l'intégration ou le développement d'activités caritatives".
Contrairement à
ce qu'affirme avec aplomb la commission, aucune des activités citées n'est
cultuelle ou religieuse.
Enfin, La commission
suppose ici que l'objet des cultuelles (exclusivement l'exercice du culte) a été
modifié (extension aux activités culturelles). Elle n'est donc pas à une
contradiction près, puisque, auparavant, elle a jugé cette modification trop
risquée juridiquement.
Les cultuelles
ainsi miraculeusement transformées en gestionnaires culturels et
reconnues d'utilité publique y gagneraient la pleine capacité
juridique et l'octroi de subventions
pour leurs activités culturelles.
Avec toutes ces
propositions financières, il ne serait plus nécessaire d'avoir besoin de
heurter frontalement la laïcité en s'attaquant ouvertement aux articles 2 et
19 interdisant le non-subventionnement des cultuelles. Les cultuelles
organisées à l'échelon national pourraient constituer d' importantes
puissances financières et exercer un rôle politique par l'entremise des élus.
Cette intervention dans l'espace public serait facilitée par leur
reconnaissance d'utilité publique.
A l'échelle
européenne, le débat sur la future "constitution" a mis en évidence l'activité
d'un puissant groupe de pression clérical voulant faire reconnaître
"l'héritage chrétien de l'Europe" et développant des thèses réactionnaires sur
les mœurs.
La
commission œuvre à l'avènement d'un néo-cléricalisme
offensif.
La commission
souhaite redonner aux cultes, dans la république laïque française, la place
cléricale qu'ils occupent encore dans plusieurs pays d'Europe sécularisés, mais
non-laïques.
On pense
particulièrement aux pays organisés en "piliers" ( Hollande, Belgique) ou les
cultes disposent d'une grande puissance financière et gèrent leurs propres
hôpitaux, journaux, médias, université, services audiovisuels.
On pense aussi aux
liens officiels entre certains cultes et l'Etat comme en Angleterre, en
Allemagne, en Italie, au Danemark, en Pologne où les cultes joue parfois le rôle
d'un service public.
En France, les cultes
participent au Comité national d'éthique. Le cardinal Lustiger a créé "radio
Notre-Dame" (1981) puis la télévision KTO (1999). A Pâques 2005 une grande croix
a été dressée sur le parvis de Notre-dame de Paris pour "ré-évangéliser" les
mécréants…
Dans le journal "La
Croix" du 3/04/07, M. Kubler écrit : "Le patrimoine culturel national doit aux
religions beaucoup plus qu'il n'y est fait droit aujourd'hui ; la vitalité
spirituelle des diverses confessions, qui font partie intégrante de la
nation, mérite d'être davantage prise en compte comme contribution au bien-être
global de l'ensemble des citoyens".
La puissance
financière des cultes n'est pas un mythe. Dans le scandale de l'activité
non-cultuelle des prêtres pédophiles aux Etats-Unis, l'Eglise catholique a déjà
versé plus de 2 milliards de dollars aux victimes. le Vatican pourrait
être directement mis à contribution. Même si une partie de la somme a été prise
en charge par les assurances, l'Eglise américaine (qui n'est pas le principal
culte aux USA) a pu assumer cette colossale charge financière.
Un pasteur
évangélique fondamentaliste australien a recueilli 30 millions de dollars pour
faire édifier aux U.S.A.. un centre à la gloire des "créationnistes" comprenant
un "mur de la honte" où sont stigmatisés , entre autres, Buffon, Lamarck,
Laplace, Darwin.
L'Eglise catholique
italienne possède un patrimoine immobilier évalué à 9 milliards d'euros
("Le Monde du 31/08/07). Une partie de ses activités commerciales (restauration,
hébergement) et de ses activités sociales (éducation, hôpitaux), fait l'objet
d'exonérations fiscales spécifiques entraînant un manque à gagner pour les
collectivités locales de 1 à 2 milliards d' euros. Une plainte a été déposée par
des commerces non liés à un culte auprès de la commission de la concurrence de
l' Union européenne pour non respect des règles de la concurrence.
IX) LA
PROTECTION SOCIALE DES MINISTRES DU CULTE.
C'est le chapitre III
du rapport. Du fait de l'évolution des modalités de la couverture sociale, la
protection sociale de ministres du culte ne pose pas de problèmes particuliers.
Cela n'a pas empêché la commission de formuler plusieurs propositions visant à
conserver une spécificité liée à l'Eglise catholique et à lui souhaiter
des avantages financiers.
A) UN REGIME DE
PROTECTION SOCIALE SPECIFIQUE.
En régime de
séparation (art.2), les ministres du culte, rémunérés par leur association de
gestion ne sont pas considérés comme salariés (Cour de cassation
1912-1913). Toujours prêt a voler au secours des cultes, le Conseil d'Etat a
fait une exception pour les protestants réformés.
L'ordonnance du 4
novembre 1944 instituant la Sécurité Sociale permet aux ministres du culte de
s'affilier au régime général. Les protestants et les juifs s'y inscriront
massivement.
Mais, comme en 1905,
les catholiques font de la résistance. Ils créent leur propre protection sociale
très vite déficitaire. Comme en 1905, les pouvoirs publics déroulent à nouveau
le tapis rouge et leur accordent deux caisses spécifiques la CAMAC (assurance
maladie) financée à 50% par l'Etat et la CAMAVIC (assurance vieillesse)
financée à 80% par l'Etat.
En 1999-2001, les
deux caisses fusionnement en CAVIMAC toujours très déficitaire du fait de la
crise des vocations. Dans cette situation, la logique voudrait que les
catholiques rejoignent directement le régime général.
La commission ne
l'entend pas de cette oreille, elle estime qu'en vertu de sa "capacité
d'expertise" et sa connaissance "des spécificités de chaque culte" elle doit
perdurer. Ce "régime spécial" subira-t-il les foudres sarkosiennes?
Pour la
commission, ce n'est pas aux cultes de s'adapter au régime commun de
protection sociale, mais à la sécurité sociale à s'adapter aux cultes.
Ce régime compte de
moins en moins de prêtres catholiques. La commission souhaite pourtant sa
pérennité. Pour cela, il devrait s'ouvrir largement aux autres cultes et
devenir au moins aussi attractif que le régime général. Même ainsi, il
demeurerait cependant déficitaire.
B)
SOUTENIR LA CAVIMAC.
La commission propose
:
*D'instituer
plusieurs forfaits retraite avec des complémentaires.
Il y a aussi des riches et des moins riches chez
les ministres du culte
*
D'instaurer un droit d'option entre la CAVIMAC et le régime général
pour les ministres du culte dont les activités
leur fait obligation de s'inscrire au régime général.
* D'augmenter
l'attractivité de la CAVIMAC, en y introduisant notamment le RMI, la CMU
afin de contrecarrer "la tentation (pour les clercs) de rester dans le cadre de
la solidarité nationale"
* De se
montrer vigilant, en matière sociale, à l'égard de certains "ressortissants
étrangers non-communautaires exerçant une activité cultuelle à titre principal".
Sur ce point, elle a peut-être
raison, mais elle manifeste à cette occasion bien peu de charité chrétienne en
attirant l'attention sur des ministres du culte exerçant aussi une activité
salariée ou commerciale et n'ayant pas droit à la CAVIMAC.
La commission
tient à ce que la spécificité des cultes s'affirme dans la protection sociale
comme elle doit s'affirmer en tant qu'activité d'utilité publique.
X)
LA LEGISLATION FUNERAIRE.
C'est le chapitre IV
du rapport. Il est principalement axé sur le problème des carrés confessionnels
c'est à dire sur un problème de communautarisme ethnico-religieux.
A)
L'AVEU.
La commission
reconnaît que "dans un contexte de recul des pratiques religieuses, les
funérailles constituent bien souvent, avec le mariage, une des seules
occasions de manifester l'appartenance religieuse".
Ces
manifestations ne traduisent pas une réelle appartenance religieuse (mesurée à
la pratique régulière du culte). Elles manifestent plutôt un reliquat de
tradition dû à la période du cléricalisme où les cultes étaient en charge
de l'état civil.
B)
COMMUNAUTARISME ETHNICO-RELIGIEUX ET LAICITE.
1) Une
interprétation peu crédible.
Selon une enquête
parlementaire, 80% des défunts musulmans ont demandé à être inhumés hors de
France, dans leurs pays d'origine. Pour la commission cela résulte de l'absence
de carrés musulmans dans les cimetières français laïcisés
En fait, il
s'agit des immigrés de culture musulmane de première génération, qui passent
leur retraite en France où ils ont travaillé. Ils peuvent ainsi bénéficier
pleinement de leurs droits sociaux. Ils souhaitent être inhumés "au pays" où
ils ont passé leur enfance et où ils ont des attaches familiales.
2)
Peut-on concilier demande religieuse communautariste et laïcité ?
Depuis Henri IV, pour
les protestants, des espaces communautaires (pour éviter les frictions
religieuses) ont été la règle dans les cimetières. Les juifs avaient aussi leurs
carrés. Le décret du 23 prairial an XII confirme le pluralisme religieux. Le
Père Lachaise possède deux carrés juifs et un carré musulman. Mais il existe
très peu de cimetières communautaires.
Les lois du 14
novembre 1881 et du 5 avril 1884 (codifiée par l'article L.2113-1 du CG et
l'article 28 de la loi de 1905) laïcisent les cimetières communaux.
L'article 3 de la loi
de 1884 stipule : "est interdite, dans l'exercice par le maire de ses pouvoirs
de police des cimetières et des funérailles, toute distinction à raison
des croyances du défunt ou des circonstances du décès"
L'article 3 de la loi
du 15 novembre 1887 précise que chacun peut régler les conditions de ses
funérailles et notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux
à donner à sa sépulture.
Ces deux lois :
·
interdisent au maire et
aux autorités religieuses de s'opposer aux volontés du défunt en matière
d'inhumation. A l'époque l'enterrement religieux était interdit aux suicidés.
·
interdisent au maire de
traiter spécifiquement les funérailles en fonction de l'appartenance
religieuse réelle ou supposée du défunt ? Le maire à un devoir de
neutralité.
·
interdisent au maire de
délimiter spécifiquement des parties de cimetières en fonction des différentes
religions (carrés confessionnels).
La commission écarte
:
* la délégation de
gestion du maire à une autorité religieuse.
* la séparation
physique de carrés confessionnels
Elle souscrit aux
circulaires du 28 novembre 1975 et 14 février 1991 permettant de regrouper des
sépultures en fonction des convictions religieuses exprimée par le défunt.
Ces
dispositions réglementaires sont cependant, de toute évidence, en contradiction
avec la législation existante. Elles s'apparentent plus à des "arrangements"
entre les cultes et les pouvoirs publics qu'au respect strict de la légalité.
La commission
s'appuyant sur ces circulaires propose des ajouts à des articles du CGCT :
·
L'article
L.2213-9 rappelle l'interdiction "d'établir des distinctions ou des
prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt".
L'ajout proposé est "dans l'exercice de
son pouvoir de police, le maire tient compte toutefois de la volonté exprimée
par les personnes décédées en rapport avec leurs croyances".
La
contradiction est évidente.
·
A l'article L-2223-13
permettant les concessions dans les cimetières. La commission propose d'ajouter
"il est tenu compte, à cet effet, des convictions religieuses
exprimées par les demandeurs".
Cette proposition
heurte moins, mais semble encore juridiquement peu solide.
La commission propose
aussi la nécessité de présenter un certificat de domicile en cas de demande de
carré confessionnel afin d'éviter aux maires d'être submergés par des demandes
extérieures à la commune.
Consciente de la
faiblesse de ses propositions, la commission estime préférable " à tout
prendre, de privilégier l'extension des cimetières privés", cimetières
confessionnels. Cette mesure sera difficile à mettre en œuvre, le Conseil d'Etat
ayant jugé qu'il était impossible d'étendre ou de construire de nouveau
cimetières confessionnels.
Enfin, la commission
signale quelques problèmes spécifiques aux musulmans :
L'interdiction
légale de l'inhumation "en pleine terre", hors cimetières.
Il ne semble pas que cette interdiction ait jamais
posé problème.
Le refus de l'Islam
des exhumations, notamment lors des fins de concession impliquerait de
construire un ossuaire spécifique. Pourquoi pas s'il y a de la place.
En Alsace-Moselle
non-laïque, la situation est différente. Les cimetières communaux sont, pour les
plus anciens, organisés en secteurs liés à une religion, essentiellement un
secteur catholique et un secteur protestant avec pour certains un carré
musulman. Les cimetières plus récents sont souvent multiconfessionnels
(laïcisés). Les cimetières israélites, en vertu d'un décret de 1806, sont
propriété du consistoire. Un problème de propriété vient d' être posé par le
cimetière israélite de Mackenheim resté propriété communale (DNA du 3/09/07).
Pour la
commission, au niveau national, les demandes communautaristes religieuses
doivent prendre le pas sur la règle commune.
Cependant, si
des entorses à la laïcité peuvent être consenties, c'est sans doute au niveau
de la législation funéraire. Nous ne serions pas choqués par la possibilité
de regroupements ethnico-confessionnel, particulièrement pour les musulman
dont les tombes doivent être orientées vers La Mecque et qui considèrent la
terre d'inhumation comme sacrée.
XI)
LE REGIME PARTICULIER D'ALSACE-MOSELLE.
Le chapitre V est
destiné aux propositions concernant des régimes particuliers, TOM-DOM et lois
locales alsaciennes- mosellanes.
Comme la commission,
traitons rapidement du cas de la Guyane.
La commission fait
un inventaire à la Prévert des différents cultes avant de conclure qu'il est
urgent d'attendre. Voici la liste des cultes recensés : catholiques (statut
spécial), adventistes, baptistes, quakers, armée du salut, pentecôtistes,
assemblée de Dieu, évangéliques, témoins de Jéhovah, mormons, groupes
parareligieux locaux : (santeria, macumba, candomblé, umbanda, qimbanda). Comme
tout ce monde cohabite sans problème, on ne touche à rien !
Pour
l'Alsace-Moselle, par contre, il y a quelques propositions.
La rédaction en est
directement inspirée par les spécialistes de l'Institut du Droit Local (IDL)
présents à la commission : J.M. Woehrling et F. Messner. Elle est conforme aux
articles publiés dans la revue du droit local avec cependant un brin
d'enthousiasme en moins.
Dans une première
partie précédant les propositions la commission rappelle les dispositions
spécifiques en matière de culte (régime concordataire, statut scolaire local).
Sans reprendre toute la description de ces particularités héritées du passé,
nous reviendrons sur le problème juridique essentiel, la constitutionnalité de
ces particularismes cultuels.
A) LE DROIT
"REGIONAL" SERAIT LEGITIME.
La commission
rappelle que l'ordonnance du 15 septembre 1945 rétablissant la légalité
républicaine a maintenu en vigueur toute la législation antérieure au 16 juin
1940 (donc pour l'Alsace-Moselle la loi du 1er juin 1924
reconnaissant le Droit local et entre autres, la loi Falloux, les lois d'Empire,
les lois locales de la période d'annexion)
La commission
s'appuie sur l'arrêt du CE du 6 avril 2001 (SNES) qui indique que le maintien de
la législation locale " procède de la volonté du législateur et que la
constitutionnalisation du principe de laïcité opérée par les constitutions du 27
octobre 1946 et du 1er juin 1958 n'avait pas pour effet d'abroger
implicitement les dispositions de la loi du 1er juin 1924"
Ce faisant le CE
se garde de juger sur le fond de la constitutionnalité de la législation
locale, il constate que le législateur ne l'a pas abrogée. Le problème reste
d'autant plus entier que le C.E. affirme que le principe de laïcité est un"
principe fondamental reconnu par les lois de la République". Il avait donc
valeur constitutionnelle avant d'être inscrit dans la constitution et cela dès
1905.
La commission
reconnaît ce vide juridique sur la question de savoir " si le principe de
laïcité est compatible ou non avec l'organisation par la loi d'un enseignement
religieux à l'école publique".
Un éminent
juriste, président d'honneur de l'I.D.L., écrit (revue du D.L. n° 40) que la
règle de la "laïcité de la république"
aboutit à tout le moins à des doutes ou des interrogations sur la
constitutionnalité de régime concordataire."
Les juristes d'IDL
ont des doutes sur la constitutionnalité du statut scolaire local et du régime
concordataire. Nous aussi.
Ce n'est pas
le prétendu "attachement des populations concernées aux règles du concordat et
d'une manière générale, à une tradition de particularisme en matière cultuelle"
qui donnera une légitimité juridique à la législation locale.
Pour des
juristes, s'appuyer sur "une tradition particulariste" relève à l'évidence de
la prise de position politique partisane en lieu et place d'un argumentaire
juridique.
Fidèle
à son amnésie concernant l'article 2 de la loi de 1905, la commission réaffirme
que seul le principe de "neutralité" fonde la laïcité.
B) IL
FAUDRAIT ASSOUPLIR LES MODALITES DE DISPENSE DE L'ENSEIGNEMENT RELIGIEUX.
On se prend à rêver,
y aurait-il enfin une bonne nouvelle favorable à la laïcité dans les
propositions de la commission ?
Comme l'ont demandé
les sociologues JP Willaime et Roland Pfefferkorn ainsi que l'ancien maire de
Strasbourg Roland Ries, la commission va-t-elle proposer la suppression de la
demande écrite de dispense pour les parents et élèves ne souhaitant pas cet
enseignement ?
Las ! Il n'en sera
rien.
La commission estime
"qu'il n'est pas nécessaire de modifier le système existant afin de
contraindre les parents souhaitant que leur enfant bénéficie d'un
enseignement religieux, à le demander formellement alors que cet enseignement
fait partie des programmes que l'éducation nationale doit assurer".
Difficile d'être plus
manipulateur et démagogique.
Qui souhaite
contraindre des parents à demander l'option facultative "enseignement
religieux" ?
On ne choisit pas une option de force, on la
choisit librement ou on ne la prend pas.
L'arrêt de C.E. du 6
avril 2001 a clarifié la situation. Pour les élèves et les parents
l'enseignement religieux est facultatif, non-obligatoire. Même les éminents
experts de l'I.D.L. ont dû le reconnaître.
"La seule obligation est celle de l'Etat d'organiser cet
enseignement".
L'Etat a
l'obligation d'organiser de nombreuse options facultatives dont, en
Alsace-Moselle, l'enseignement religieux. Personne n'est contraint à choisir
une de ces options, ceux qui n'en désirent pas ne s'y inscrivent pas . Par
contre uniquement pour ce qui concerne l'enseignement religieux, les
élèves et parents ne voulant de l'option facultative "enseignement religieux"
sont contraints de le faire savoir par écrit.
Les parents et élèves étant
contraints d'afficher par écrit leur appartenance ou leur non appartenance
religieuse : en Alsace-Moselle, la
liberté de conscience n'est pas pleinement respectée.
Le seul
"assouplissement" proposé par la commission serait, en cas de changement d'avis
en cours d'année "d'obtenir une dispense avec effet immédiat…ou, à l'inverse
accéder sans délai à cet enseignement". La proposition est démagogique, ni
le Rectorat, ni les chefs d'établissement, ne peuvent accéder à cette demande.
Les moyens humains et horaires sont définitivement établis en début d'année.
C) IL
FAUDRAIT "RECONNAITRE" LE CULTE MUSULMAN.
Le concordat de 1801
a fait de la religion catholique, " religion de la majorité des français ", un
"culte reconnu". Par extension, des dispositions législatives voisines ont
conduit à la "reconnaissance" des deux cultes protestants réformés et
luthériens ainsi qu'à celle du culte juif. Les ministres du culte sont rémunérés
en échange en de leurs obligations de surveiller la population et de prêter
serment à l'Etat . D'autre part, ils participent à l'enseignement religieux à
l'école publique.
1)
L'Alsace-Moselle : paradis réglementaire pour les cultes.
La commission
rappelle que même les cultes "non-reconnus" bénéficient, en Alsace-Moselle de
nombreux avantages par rapport à leur situation sur le reste du territoire
national soumis à la laïcité.
Ces cultes peuvent
fonder des "associations inscrites" (auprès de tribunal d'instance) leur
conférant la pleine capacité juridique donc la possibilité de recevoir des dons
et legs, leur accordant les mêmes exonérations que les cultuelles et leur
permettant de recevoir un "soutien financier" des collectivités publiques
si le culte présente un "intérêt public local".
2) Le régime
concordataire est encore plus favorable aux cultes.
Les cultes
"non-reconnus" n'accèdent pas à l'enseignement religieux à l'école publique et
leurs ministres du culte ne sont pas rémunérés.
Apparemment par
soucis d'égalité, la commission propose que le culte musulman et plus tard les
bouddhistes et les évangéliques accèdent à un statut de "cultes reconnus".
Juridiquement, il n'y à pas d'obstacles majeurs. Les statuts sont spécifiques à
chacun des cultes reconnus. La reconnaissance pourrait se faire essentiellement
par voie réglementaire.
Passer par la
voie réglementaire, au lieu de la voie législative à l'immense intérêt
d'éviter que le Conseil Constitutionnel ne soit saisi.
Seuls
quelques ajustements législatifs seraient nécessaires, l'inscription dans la loi
de finance, et une loi pour "la détermination des charges communes en matière
cultuelle".
3) cependant, la
commission est prudente.
La commission propose
de procéder par étapes afin d'établir avec des responsables du culte musulman
des "rapports de confiance et de collaboration".
Dans un premier
temps, et fort imprudemment, la commission estime que le CRCM apparaît "comme
l'instance naturelle avec laquelle un tel dialogue pourrait s'engager". Rien
n'est pourtant moins sûr, dans la revue du Droit local n° 49 analysant le
rapport Machelon, JM Woehrling ne fait jamais référence au CRCM mais "à
l'institution d'autorités religieuses responsables sur la désignation
desquelles les autorités publiques disposent d'un droit de regard…Ces instances
ne doivent pas nécessairement être représentatives de tous les courants
existants dans la religion musulmane".
En clair JM Woehrling
propose un échange, la rémunération (d'une partie ?) des ministres du culte
musulman contre le contrôle gallican de l'Etat. Il est bien évident
qu'une partie des instances cultuelles musulmanes dont l'UOIF refuseront ce
marché.
Plusieurs "grandes
mosquées" font actuellement l'objet d'une demande de permis de construire ou
sont en cours de construction. Il y a eu concurrence entre groupes musulmans
pour obtenir l'aval des municipalités (Strasbourg, Marseille). D'autre part, de
nombreux imams n'approuvent pas ces grandes mosquées et demandent que l'effort
des municipalités soit porté sur des mosquées de dimension modeste implantées
dans des quartiers et au service d'une communauté spécifique.
Il n'y a pas une communauté musulmane
Il y a des communautés musulmanes parfois rivales.
La
commission propose alors les étapes suivantes :
·
Trouver des instances
cultuelles musulmanes acceptant le gallicanisme.
·
Créer ensuite un
enseignement de religion musulmane dans l'enseignement secondaire. Cela suppose
une formation universitaire des personnels religieux : futurs enseignants, imams
ou aumôniers (ce qui implique un Institut de formation).
·
Enfin, tout cela en
place et fonctionnant, le processus de "reconnaissance" " pourrait être
envisagé"
CONCLUSION.
1) Pour le statut
scolaire local.
La plus grande
prudence est de mise. La commission ne semble pas déborder d'enthousiasme pour
ces propositions. Cependant, l'introduction de l'enseignement religieux musulman
à l'école publique (puis bouddhiste et évangélique, puis ….) pourrait être
mis en place et c'est la l'essentiel pour les représentants de l'IDL.
Déjà en 1997, JM
Woehrling se désespérait de la baisse de fréquentation des cours d'enseignement
religieux "La véritable menace réside évidemment dans le recul de la
fréquentation. Les chiffres qui nous ont été présentés marquent une
désaffection drastique. Ils sont sans doute encore en deçà de la réalité
d'une mutation sociologique qui est peut-être plus fondamentale. En d'autres
termes, au moment où les adultes en quelque sorte se rallient à l'idée d'un
enseignement religieux, les jeunes désertent. Ce recul de fréquentation
fragilise l'ensemble du système et nous interroge de manière absolument
fondamentale".
Le constat est sans
appel, la situation n'a cessé d'évoluer dans le sens de la désaffection, mais la
décrue est lente. Pour tenter de l'enrayer, les cultes (surtout les protestants)
ont eu recours à l'Eveil Culturel et Religieux (ECR), présentation moderniste de
problèmes de société toujours dans une optique religieuse. Grâce à un petit
nombre de lycées (en particulier le lycée M. Rudloff de Strasbourg) allant
au-delà de la légalité et grâce à l'extension (non prévue par les textes) de l'ECR
aux collèges, la baisse de fréquentation au niveau du secondaire a été freinée
mais non enrayée.
Il fallait donc
trouver d'autres moyens pour "sauver le soldat enseignement religieux". Un
apparent souci de "justice" et "d'égalité" vis à vis du culte musulman (puis
des bouddhistes et évangéliques, puis…) fournirait une solide béquille
au statut scolaire local en l'étendant à d'autres cultes et en augmentant
ainsi brusquement les effectifs.
Aux laïques
d'Alsace-Moselle de déjouer le piège. Pour se faire, il est temps que les
groupes politiques cessent de faire le jeu de l'IDL en soutenant l'extension du
statut scolaire local.
Ces groupes doivent
prendre conscience que l'Alsace-Moselle ne compte pas, comme cela est couramment
écrit 90 à 120000 musulmans. Il existe 90 à 120000 résidents (essentiellement
citoyens français) de culture musulmane. Seulement 10% d'entre eux sont des
musulmans, c'est à dire des personnes participant régulièrement au rite
religieux de la prière du vendredi.
Les personnes de
culture musulmane sont, aujourd'hui encore, discriminés (logement, emploi,
racisme quotidien) sur des critères sociaux, ethniques, économiques,
pas sur des critères cultuels.
La solution de ces problèmes sociaux ne passe
absolument pas par des mesures cultuelles
Il existe par
ailleurs une discrimination spécifique envers le culte musulman qui
ne dispose toujours pas d'assez de lieux de culte dignes de ce nom. La
république garante de la liberté religieuse n'aurait jamais dû tolérer ce
scandale.
Elle commence à s'y
employer en luttant contre les refus de location ou de construction de lieux de
culte pour l'islam et les évangéliques. Comme à Strasbourg, de nombreuses
mosquées sont actuellement en construction. Didier Leschi, responsable du bureau
des cultes au ministère de l'Intérieur est attentif à ces problèmes. Il affirme
que les associations de gestion des cultes ont peu de problèmes financiers pour
la construction de nouveaux lieux de cultes mais qu'il faut surtout veiller aux
refus injustifiés de certains maires.
Pour ce qui concerne
le problème spécifique du statut scolaire local, avant de se précipiter pour
demander son renforcement sous prétexte que les musulmans n'y ont pas accès, il
convient de poser calmement quelques réflexions :
Tout d'abord
force est de constater que ce statut constitue, par rapport à la législation
laïque républicaine, une anomalie archaïque, due à la période d'annexion
entre 1870 et 1918. De ce fait la loi de 1905 ne s'applique toujours pas en
Alsace-Moselle.
L'Alsace-Moselle
n'est toujours pas laïque
Si le culte musulman
n'a pas accès à l'enseignement religieux à l'école publique, est-il le seul ?
Evidemment, non ! Alors qui ouvre la boite de Pandore ? Si l'Islam accède à cet
enseignement les autres cultes non-reconnus doivent aussi y accéder. Sinon la
discrimination envers les autres cultes serait toujours aussi forte.
L'Islam étant
multiforme et organisé sur une base ethnico-communautaire, quelles composantes
du culte musulman seraient d'accord pour participer à l'enseignement religieux
? quelles autres composantes le refuseraient par crainte du contrôle de l'Etat
? quelle serait la représentativité des "participateurs" ?
Quels autres cultes
devraient être accrédités ? Sur quels critères ? Tous ces cultes devraient-ils
aussi bénéficier d'un statut de type concordataire ?
Combien coûterait une
telle profusion de cultes accédant au statut scolaire local et/ou à un statut de
culte reconnu ? Qui paierait ?
Soyons sérieux, hors
de toute démagogie électoraliste, c'est le statut scolaire local qui pose
problème pas le fait que tel ou tel culte n'y ait pas accès.
L'association
"Laïcité d'Accord" appelle à tous les partis politiques et les citoyens
partisans de la laïcité :
* A soutenir la
proposition de suppression de la demande écrite de dispense pour les
élèves et parents refusant l'enseignement religieux à l'école publique.
* A
s'opposer au renforcement du statut scolaire local, héritage du passé
clérical, et dont le fondement juridique est plus que douteux. Ne soyons
pas plus cléricaux que les cléricaux et constatons qu'une grande partie des
courants du culte musulman ne veut pas d'une législation gallicane.
Ne soyons pas plus musulmans que les musulmans!
2) Pour ce qui
concerne la loi de 1905.
La commission a plus
d'une fois constaté que ses propositions étaient juridiquement peu fiables.
Avec ses multiples
contradictions et hésitations, elle révèle qu'elle a fait d'avantage œuvre
politique qu'œuvre juridique.
Les demandes
exprimées par les cultes et rapportées par "Le Monde" en apportent la preuve :
En 2005, lors de
leur assemblée annuelle, les évêques de France ont "considéré (la loi de 1905)
comme l'expression d'un équilibre satisfaisant entre l'Etat et les organisations
religieuses".
La Fédération
protestante de France (aujourd'hui présidée par un pasteur évangélique) se
contente des mesures ne dénaturant pas la loi de 1905 : limitation du droit de
préemption des communes, développement des B.E.A. avec option d'achat,
possibilité de passer d'une association loi de 1901 à une cultuelle 1905. Avant
de quitter la présidence de la F.P.F., Jean Arnold de Clermont avait été reçu
par N. Sarkozy. Il avait réaffirmé " nous sommes opposés au financement
direct pour la construction des édifices religieux, tel que le propose le
rapport. Parallèlement aux facilités de financement existantes, les fidèles
financent leurs lieux de culte". Il demande par contre que soient prises "à
bras le corps, les questions d'ordre fiscal".
Les musulmans se
déclarent "attachés à la laïcité" et ne souhaitent pas une modification de la
loi de 1905. Même si certains ne sont pas opposés par principe à un
subventionnement, le contrôle étatique lié à ce subventionnement leur fait
abandonner cette demande. Ils proposent une clarification des procédures de BEA
(voir les jugements de tribunaux administratifs).
Les juifs ont de tout
temps été favorables à la laïcité et la loi de 1905. La possibilité de recourir
aux B.E.A. les satisfait.
La commission
Machelon a de toute évidence été bien au-delà des demandes des cultes. A
travers de nombreuses arcanes juridiques, elle a fait œuvre éminemment
politique ouvrant la voie à l'instauration d'un néo-cléricalisme
permettant aux cultes de constituer une puissance financière et politique
pouvant peser sur les élus et les gouvernements de France et d'Europe.
D'autre part la
commission s'est bien gardée de chiffrer les énormes dépenses
publiques qui résulteraient de ses propositions. Alors même que le gouvernement
diminue drastiquement les effectifs de la fonction publique, qu'il organise la
gestion comptable des hôpitaux, que ses cadeaux fiscaux pour les plus riches se
chiffreront en milliards d'euros, il faudrait, en plus, que les contribuables
financent la construction des nouveaux lieux de culte ainsi que les
réparations et l'entretien de tous les édifices cultuels gérés par
des associations non affiliées à la loi de 1905.
L'association
"laïcité d'Accord" appelle les partis politiques et les citoyens partisans de
la laïcité à
s'opposer à la dénaturation de la loi de 1905.
les principes laïques de "non-reconnaissance des cultes" et de
"non-subventionnement des cultuelles" doivent être maintenus.
Des solutions
alternatives, ne mettant pas en cause la loi de 1905 sont déjà utilisées. Les
cultes s'en contentent, n'allons pas au-delà. Ne permettons pas que se
reconstitue en France un néo-cléricalisme contraire à la laïcité et à
l'évolution de la société civile.
Pour sa part, la
ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie a reçu conjointement les 5
principaux cultes en juin 2007. Les responsables religieux ont réitéré leurs
demandes "d'aménagements de la loi de 1905" sans proposer, comme a osé le faire
la commission, son démantèlement.
La ministre s'est
surtout attachée au problème de la "formation de imams", n'hésitant pas à user
d'une formule éminemment gallicane et fort peu laïque : " Les musulmans sont au
pied du mur et l'Etat a la volonté de construire et de
maîtriser un islam français". Voilà qui sonne comme un avertissement aux
responsables musulmans. Il est vrai que sur les 1500 imams officiant en France,
beaucoup d'entre eux, envoyés par leur gouvernement, parlent mal français et
connaissent mal nos institutions et codes sociaux. Mais ce sont pas pour autant
des recruteurs du djihad. S'ils posent problème, c'est avant tout aux jeunes
français musulmans qui ne comprennent pas leur archaïsme.
Pour la formation
universitaire des imams, le projet de Strasbourg étant abandonné, le
ministère s'oriente vers la création de deux centres liés à des universités à
Paris et Aix en Provence.
Il n'existe
actuellement que cinq centres privés de formation théologique des
imams en France (l'institut de la mosquée de Paris, deux centres de l'UOIF,
l'Institut Avicenne de Lille et la Grande mosquée de Lyon), mais ils ne forment,
en théologie, que dix à vingt imams " made in France" par an.
S'il y a un problème
de la formation des imams pour l'islam de France, ce problème ne regarde que la
religion musulmane. Une irrésistible montée de l'islam radical et violent parmi
les jeunes des banlieues culture musulmane est un mythe. Les quelques dizaines
de jeunes séduits par le djihad ne sauraient cacher la forêt d'un islam, parfois
archaïque, mais respectueux des lois de la République.
Comme pour les autres
cultes, la république ne doit pas "reconnaître" l'Islam en s' immisçant dans son
organisation. En conclusion de son étude sur l' Islam de France
"l'International Crisis Group" (Le Monde du 11/04/06) demande aux politiques
"de définir clairement les attributions du Conseil français du culte musulman
comme organe de gestion du culte et non comme organe représentatif des
musulmans de France".
Puissent les responsables politiques rendre à Dieu
ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César.
Enfin, il semble que
la démarche de N. Sarkozy ait été plus électoraliste que pieusement cléricale.
Pour le moment, il apparaît que le gouvernement a d'autres préoccupations que de
suivre les attaques frontales contre la laïcité recommandées par la commission
Machelon.
Le journal "Le Monde"
du 6/7/07 cite une source du ministère de l'Intérieur : "On ne touchera pas à
la loi de 1905". Le peu de fiabilité juridique des propositions Machelon n'y
incite pas.
Le souvenir du 16
janvier 1994 ou plus d'un million de laïque ont défilé à Paris peut aussi
calmer d'éventuelles ardeurs cléricales.
La laïcité, renvoyant
le libre exercice des cultes dans la sphère privée est le meilleur garant du
"vivre ensemble" et de l'élaboration des valeurs communes au-delà des options
politiques, religieuses, éthiques, philosophiques, sociales ou communautaires.
La laïcité transcende les particularismes et vise à l'universalité. Pour autant,
elle respecte les particularismes en garantissant la liberté de conscience.
La
loi de 1905 ne doit pas être modifiée
Claude.
Hollé, secrétaire de " Laïcité d'Accord "
Octobre 2007.
Plan
du document.
Avant propos (p.1).
I)
L'EGLISE ET
L'ETAT JUSQU'EN 1905. (p2-3).
II) LA REPUBLIQUE
LAIQUE. (p.3-8).
A)
Les principes
fondateurs.
B)
La neutralité
n'est pas l'ignorance.
C)
Les modalités
du divorce;
D)
La loi de 1905
n'est pas intangible.
E)
Des
financements actuels juridiquement mal assurés.
III) LA COMMISSION
MACHELON. (p.8-9).
A)
Le contexte
politique.
B)
Composition de
la commission.
IV) ORIENTATIONS
GENERALES. (p.9-10).
A)
De curieuses
statistiques.
B)
Dénaturer la
laïcité.
V) UN ARGUMENTAIRE
JURIDIQUE FORT PEU SERIEUX. (p.10-12).
A)
Le principe de
non-subventionnement ne serait pas constitutionnel.
B)
Le principe de
non-reconnaissance des cultes ne serait pas constitutionnel.
VI) DES PROPOSITIONS
APPAREMMENT MODEREES. (p.12-15).
A)
Proposition
d'extension des B.E.A. à toutes les associations de gestion des cultes.
B)
Demande de
généraliser les garanties d'emprunt .
C)
Demande
d'octroi d'avances remboursables.
D)
Demande d'agir
sur le droit d'urbanisme.
E)
Demande de
garantir l'affectation des biens cultuels.
VII) UNE PROPOSITION
ANTI-CONSTITUTIONNELLE : LE SUBVENTIONNEMENT DE LA CONSTRUCTION DES LIEUX DE
CULTE. (p. 15-16).
A)
Modifier la loi
de 1905.
B)
Modifier le
Code général des collectivités territoriales.
VIII) PROPOSITION DE
MESURES FINANCIERES ET IDEOLOGIQUES. (p. 16-22).
A)
La loi de 1905
est porteuse d'avantages, mais il y a des contraintes.
B)
Injonction de
ne pas enfermer les cultuelles dans un cadre contraignant.
C)
Demande de
modification de l'objet des cultuelles.
D)
Permettre aux
cultuelles de devenir des puissances financières.
E)
Permettre
l'intervention publique des cultes.
IX)
LA PROTECTION
SOCIALE DES MINISTRES DU CULTE. (p.22-23).
A)
Un régime de
protection sociale spécifique.
B)
Soutenir la
C.A.M.I.V.A.C.
X)
LA LEGISLATION
FUNERAIRE. (p.23-25).
A)
L'aveu.
B)
Communautarisme
ethnico-religieux et laïcité;
XI)
LE REGIME
PARTICULIER D'ALSACE-MOSELLE. (p.25-28).
A)
Le droit
régional serait légitime.
B)
Il faudrait
assouplir les modalités de dispense de l'enseignement religieux.
C)
Il faudrait
"reconnaître" le culte musulman.
CONCLUSION.
(p.28-32).
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