La laïcité, rempart contre les discriminations
La commission Machelon, chargée par le ministre N. Sarkozy de mener «
une réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs
publics » vient, fort opportunément, de rendre son rapport avant les
échéances électorales de 2007.
Outre une modification fondamentale de la
loi de 1905 sur laquelle nous reviendrons, la commission réactive deux
anciennes propositions concernant, en Alsace-moselle, le culte musulman
mais qui n'avaient pas abouti du fait de l'opposition des forces laïques
et d'une partie des responsables religieux chrétiens, ainsi que du peu
d'intérêt manifesté, à l'époque, par de nombreux responsables du culte
musulman :
* La mise en place d'un « système de
formation du personnel religieux » (Imams) pouvant alors assurer un
enseignement religieux. Voici le rapport Trocmé qui renaît de ses
cendres.
* L'ouverture au culte musulman du Statut scolaire local qui
prévoit, pour les quatre cultes reconnus, l'organisation d'un
enseignement religieux à l'Ecole publique en Alsace-Moselle. Le reste du
territoire national régit par les lois laïques n'est pas soumis à cet
enseignement..
L'association « Laïcité d'accord » attire
une nouvelle fois l'attention des laïques non-croyants ou croyants sur
les dangers de ces propositions au regard de la laïcité républicaine.
Le statut scolaire local est un statut discriminatoire.
Longtemps présenté par ses partisans et les
autorités académiques comme « obligatoire » l'enseignement religieux est
en fait facultatif pour les élèves, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat
« la seule obligation est celle de l'Etat d'organiser cet enseignement
». Il a donc juridiquement un statut de discipline optionnelle.
Sur ce point la commission Machelon se
contente d'une remarque assez sibylline indiquant, sans autres
précisions, qu'il conviendrait « d'assouplir les modalités de dispense
de l'enseignement religieux ».
En obligeant les non-croyants ou les membres d'une autre religion que
les quatre reconnues ( par exemple évangélistes, hindouistes,
bouddhistes etc?) à se signaler comme différents, ce statut est
discriminatoire. Il ne respecte pas pleinement la liberté d'opinion si
chère à la laïcité.
Si l'on propose l'extension du statut
scolaire local aux seuls musulmans, on augmente encore la différence de
traitement avec les autres cultes non reconnus.
Le statut scolaire local connaît une désaffection continue.
Déjà dans les années 1990, les partisans de
ce statut encourageaient la modernisation des contenus et des méthodes,
le recours à une pédagogie active et fondaient de grands espoirs sur une
« nouvelle » discipline nommée Eveil Culturel et Religieux. En dépit de
ces « rénovations », le nombre d'élèves inscrits aux cours de religion
continue de diminuer. En Alsace, le pourcentage d'élèves inscrits aux
cours de religion a diminué de 37% à l'Ecole primaire entre 1994 et 2003
et de 24% pour le secondaire entre 1987 et 2003.
D'autre part dès que les élèves disposent de
leur libre arbitre, la fréquentation des cours de religion s'effondre.
En Alsace pour le primaire on compte environ 65% d'inscrits puis 41% en
collège et moins de 12% en lycée. En Moselle les chiffres sont
respectivement de 63%, 41% et 2,7%.
Nous sommes, avec cette réalité, bien loin
des chiffres mirifiques en faveur de cet enseignement obtenus par un
récent sondage. Où est le prétendu « attachement » des populations
alsaciennes et mosellanes à cet enseignement ?
L'enseignement religieux à l'Ecole publique, un enjeu pour les religions.
Les récentes paroles du pape rappellent
qu'au-delà de la volonté affichée de dialogue inter religieux,
confrontées à la concurrence des évangélistes et de l'islam et d'autres
religions, les églises chrétiennes traditionnelles tentent de préserver,
en Europe, leur prédominance. Comme l'a aussi rappelé le Pape au tout
début de son séjour en Bavière, le maintien d'un enseignement religieux à
l'Ecole publique est un élément clé de cette stratégie.
La laïcité préserve des discriminations.
La laïcité ne connaît qu'une seule catégorie
d'individus, leur appartenance à la communauté des humains sans
distinction de leurs particularités individuelles de religion, de sexe,
d'opinion. Au contraire des communautarismes qui valorisent ce qui
différencie les humains, la laïcité valorise ce qui les rassemble dans
les mêmes idéaux démocratiques.
En Alsace-Moselle il est temps que les
responsables politiques qui se revendiquent de la laïcité fassent preuve
de courage et proposent une évolution du Statut scolaire local. Il est
temps que les autorités académiques et étatiques fassent de même. Il est
temps que les autorités religieuses acceptent de reconnaître
l'enseignement religieux pour ce qu'il est réellement : une option
offerte spécifiquement aux parents et élèves.
Sous sa forme actuelle, avec la demande de
dispense, ce statut reste discriminatoire, l'étendre aux musulmans ne
changerait rien à cet état de fait. « Laïcité d'accord » appelle les
laïques d'Alsace-Moselle à ?uvrer ensemble pour obtenir dans un premier
temps la reconnaissance du statut d'option de l'enseignement religieux à
l'Ecole publique par la suppression de la demande de dispense.
Bernard ANCLIN, Président de
Laïcité d'accord
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